Publié le 05 décembre 2023 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 27 décembre 2023
Maisons à pans-de-bois
Le pan-de-bois, un patrimoine emblématique de Rennes
De la fin du Moyen Âge à la fin de l’Ancien Régime, de nombreuses maisons à pans-de-bois ont été construites en Bretagne, notamment à Rennes qui compte encore 370 maisons. Un patrimoine coloré à découvrir pendant votre visite du centre historique de la capitale de la Bretagne.
Le pan de bois, une architecture typiquement bretonne
Les maisons à pans-de-bois font partie du patrimoine breton et rennais. Un type d’architecture qu’on peut découvrir encore aujourd’hui, en se promenant dans le centre historique ou en suivant une visite guidée proposée par l’Office de tourisme. Ce patrimoine vaut le détour à lui tout seul, et on le croise dans de nombreuses villes de la région. Mais Rennes est la ville de Bretagne qui en compte le plus : 370 maisons de ce type sont à voir dans les rues de Rennes et dans les cours intérieures, soit plus qu’à Vannes (171 maisons), Morlaix (127), Vitré (119) ou Dinan (115), elle aussi réputée pour son riche patrimoine de maisons en bois.
Le bois des forêts bretonnes comme matière première
A partir du Moyen Âge, l’Europe du Nord, connaît un fort essor urbain. On construit alors des maisons avec des structures porteuses en bois. La forte présence de maisons à pans-de-bois en Bretagne et à Rennes, s’inscrit dans ce mouvement, en particulier après la Guerre de Cent Ans et la Guerre de succession.
Le bois était un matériau abondant et peu coûteux, c’est pourquoi cette technique de construction a beaucoup été utilisée au XIVème-XVème siècle, et continue d’être employée jusqu’au XVIIIème siècle. « Jusqu’au XIXème siècle, le transport des matériaux est ce qui coûte le plus cher dans la construction. Il faut attendre le développement des canaux de navigation et du chemin de fer pour que la pierre circule plus facilement » explique Gilles Brohan, animateur du patrimoine de l’office de tourisme de Rennes. « Pendant des siècles on va donc construire avec le matériau qu’on a sous la main : les arbres des grandes forêts bretonnes présentes au plus près des villes ». Principalement le chêne, dur et sec, dont la durabilité est presque infinie.
Autre raison qui explique l’omniprésence du pan-de-bois dans le paysage urbain : le sous-sol est pauvre en pierre à bâtir. Au schiste, trop friable, on préfère la terre pour les fondations, les murs et l’argile, mélangé avec de la paille, pour composer du torchis, l’autre matière première des maisons à pans-de-bois.
Pans-de-bois ou colombages, quelles différences ?
Maison à pans-de-bois ou à colombages, quelle est la différence ? Les deux termes sont souvent employés pour désigner le même type de maisons, qu’on retrouve en nombre dans des régions comme l’Alsace ou la Normandie. Mais à Rennes, il est plus juste de parler de maisons à pans-de-bois. Deux particularités distinguent le pan-de-bois du colombage : d’abord une élévation plus importante des maisons – certaines sont de véritables immeubles de 3 ou 4 étages. Ensuite, deuxième caractéristique du pan de bois, la présence d’un encorbellement, le fait que les étages supérieurs soient plus larges que le rez-de-chaussée. C’est une des originalités du paysage à pans-de-bois en Bretagne, en particulier à Rennes : plus elles s’élèvent, plus les façades débordent et tendent à se rejoindre au-dessus des ruelles pavées.
A l’époque, construire avec un encorbellement avait une double fonction : renforcer la stabilité des planchers tout en augmentant les surfaces, et permettre d’abriter les clients des échoppes qui s’ouvraient sur la rue au rez-de-chaussée. En Bretagne en effet, il faut bien l’avouer, il pleut de temps en temps…
Même si les deux mêmes termes sont employés pour désigner des maisons typiques, le colombage est souvent composé de poutres régulières (son nom vient d’ailleurs du latin columna qui veut dire « colonne »), alors que le pan-de-bois utilise des éléments de bois de taille très différentes, ce qui rend les façades si originales.
Un patrimoine de plus de 500 ans
A Rennes, les maisons à pans-de-bois n’ont pas toutes été construites à la même période. Ce type de bâti a perduré, du Moyen Âge, jusqu’au XVIIIème siècle, avec des variations de styles, de décors et de structures. Un élément caractéristique traverse tout de même les siècles : la couleur. Comme les sculptures, la couleur est un élément de représentation sociale pour les propriétaires. Basée sur des pigments naturels, la gamme est assez restreinte : on retrouve des couleurs vives comme le rouge, ou le jaune, tandis que le bleu, obtenu avec du lapis lazuli beaucoup plus cher, se limite à des détails décoratifs.
« Le style médiéval perdure jusqu’à la Renaissance »
« A Rennes, les maisons les plus anciennes se reconnaissent à leur décor : les figures sculptées rappellent l’inspiration gothique avec des sculptures sur les sablières, ces grandes poutres horizontales des façades » détaille Gilles Brohan. « De chaque côté des portes, les motifs en plis de serviettes et ceux en croix de Saint-André sont caractéristiques du style médiéval qui perdure jusqu’à la Renaissance ». L’encorbellement des maisons de la fin du XVème et du début du XVIème siècle est aussi plus prononcé, rue des Dames par exemple, ou encore dans la rue du Chapitre et la rue Saint-Georges. « Plus on avance dans le temps, plus les façades ont tendance à s’aplatir » ajoute Gilles Brohan.
Ce style médiéval, à la mode pendant plusieurs siècles, brouille un peu les cartes. « La majeure partie des maisons qui subsistent aujourd’hui datent du XVIIème siècle, alors qu’on se croirait dans un quartier médiéval avec ses ruelles étroites».
Le décor change au XVIème siècle
A la Renaissance, le deuxième âge de la maison à pans-de-bois, les décors changent. On privilégie alors les représentations humaines sculptées sur les façades. La Seconde Renaissance (deuxième moitié du XVIème siècle), est quant à elle marquée par des références à l’Antiquité avec des animaux sculptés, des décors d’oves (en forme d’œufs) de denticules et de rinceaux végétaux.
La 4ème période de la maison à pan-de-bois est marquée par des façades plates, l’encorbellement disparaît et les motifs deviennent géométriques et non plus figuratifs. « Le décor sculpté est moins riche, mais ce qui frappe le regard c’est la recherche de symétrie et la régularité mise en œuvre au niveau des pans-de-bois : des motifs de croisillons et des motifs losangés très réguliers signent l’esprit du XVIIème siècle » indique Gilles Brohan.
Le feu, pire ennemi du pan-de-bois
Au fil des siècles, les façades à pans de bois ont tendance à être masquées par des enduits, qui donnent l’illusion d’une construction en pierre, signe extérieur de richesse. Le but est aussi de les protéger du feu. Les incendies étaient en effet très fréquents depuis le début du XVIIème siècle. A Rennes, le grand incendie de 1720 a ainsi détruit entre 850 et 900 maisons. Le risque était tel que plusieurs édits royaux interdisent de construire de nouvelles maisons en bois. Masquer la charpente avec de l’enduit est tout de même toléré…
L’incendie de 1720 et la reconstruction d’une bonne partie de la ville qui a suivi sonnent le début de la fin de l’histoire des maisons à pans de bois. Les parlementaires, de plus en plus nombreux à Rennes, vont vouloir imiter l’architecture en pierre du Parlement de Bretagne pour leurs habitations et hôtels particuliers. Le début d’une nouvelle mode et un nouveau chapitre architectural qui s’ouvre à Rennes.
Plus de 1000 maisons à pans-de-bois à la fin de la seconde guerre mondiale
Le patrimoine des maisons à pans de bois a heureusement subsisté, en particulier dans le secteur sauvegardé du centre-ville, protégé à partir de 1966. A cette période, on commence à prendre conscience de la valeur historique et touristique des maisons en bois, dont une bonne partie a été détruite au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Alors qu’il en restait plus de 1000 à Rennes après 1945, de nombreuses maisons devenues trop vétustes ont été détruites dans le cadre de grands réaménagements urbains. Une période de reconstruction où la notion de protection du patrimoine n’était pas vraiment d’actualité.
Un patrimoine toujours protégé et rénové
Il faudra attendre la fin des années 1970 pour que la valeur de ce patrimoine soit reconnue. Depuis, de nombreuses rénovations ont eu lieu et encore aujourd’hui, les maisons à pans de bois sont restaurées. Dans le cadre d’un plan de l’amélioration de l’habitat, étalé sur 7 ans, pas moins de 150 copropriétés doivent être rénovées entre 2016 et 2023 avec l’aide de l’Etat, de la ville et de la métropole. Avec des contraintes importantes car ces maisons datant de plusieurs siècles n’ont pas été conçues pour supporter le poids de nos vies contemporaines, lestées de multiples appareils électroménager, de salles de bains et de cuisines suréquipées.
Si vous passez par Rennes, les façades méritent le coup d’œil, de même que l’intérieur. Il suffit parfois de pousser la porte d’un bar, d’une boutique ou d’un restaurant, les échoppes d’aujourd’hui, pour admirer des charpentes et des murs vieux de près de 500 ans. Pour vous donner un avant-goût, découvrez ci-dessous quelques exemples emblématiques de la richesse architecturale de la capitale de la Bretagne et de bonnes adresses dans ces immeubles d’exception.
Le ti-coz, une maison parmi les plus anciennes de Rennes
Si vous visitez le centre-historique de Rennes, impossible de passer à côté de la maison rouge vif, appelée « le Ti-coz ». Construite dans le premier quart du XVIème siècle sur une base en schiste (en 1505 d’après la date inscrite sur sa façade), elle porte bien son nom qui, en breton, signifie « vieille maison ». L’originalité tient dans sa structure avec deux maisons en une : de l’entrée jusqu’au grenier, tout est en double dans cette maison aux nombreux escaliers, construite pour les chanoines de la cathédrale toute proche. Le rang social des premiers occupants s’affiche avec les personnages sculptés représentant le martyr de Saint-Sébastien. Un culte très répandu censé protéger des épidémies de peste.
Une maison-double qui a connu plusieurs vies
Les statues comme posées sur un socle, sont typiques de la sculpture médiévale. Les fenêtres à vitraux, une autre particularité de Ti-Coz, montrent le rang de ses occupants, alors qu’à l’époque les fenêtres étaient plus souvent fermées par du parchemin huilé. Si vous levez la tête, vous pouvez apercevoir une gerbière, une poutre équipée d’une poulie pour monter les marchandises.
Le Ty-coz a connu plusieurs vies, bien loin de sa première vocation religieuse. Devenue une auberge réputée, elle voit défiler de nombreuses célébrités et présidents de la République à sa table étoilée. En 1994, un dramatique incendie met fin à l’aventure du restaurant, une crêperie prend ensuite le relais. Aujourd’hui, ce monument emblématique de Rennes est une adresse bien connue des noctambules : El Teatro, une discothèque, occupe les lieux depuis 2014.
- Maison Ti-Coz – 3, rue Saint-Guillaume
Rue du Chapitre, tous les styles cohabitent
Au numéro 5 de la rue du Chapitre, une façade étonnante et colorée attire l’oeil : l’Hôtel de l’escu de Runfao. Elle témoigne de la polychromie en vogue au XVIIème siècle. Le mortier, ocre rouge et ocre jaune, forme un motif géométrique original. Cette maison a été restaurée en 1988 dans l’esprit de l’époque, grâce aux traces de polychromies découvertes lors du chantier. Si le coeur vous en dit, vous pouvez en profiter pour faire un pause au restaurant Le Petit Grenier, installé au rez-de-chaussée.
Des siècles d’architectures, concentrés en quelques mètres
Dans la même rue du chapitre, de nombreuses autres maisons à pans-de-bois sont à observer, notamment celle qui fait l’angle avec la rue de la Psalette au numéro 22 de la rue du Chapitre (photo de gauche). Une ancienne maison de Parlementaire, construite au XVIème siècle et réhaussée d’un étage au XVIIIème siècle. On peut y admirer des motifs décoratifs de la Renaissance et un détail intéressant : un pan de l’angle est en granit pour prévenir les virages un peu serrés des chariots dont les roues pouvaient endommager le bois.
A l’autre bout de la rue, où de nombreux restaurants et boutiques originales vous attendent, vous pouvez passer la nuit dans une très belle maison à pans-de-bois transformée en chambres d’hôtes : Chez Marnie et Mister H. Un pied-à-terre idéal pour arpenter le centre historique et admirer ses façades.
Hôtel de la Noue et Racapée de la Feuillée : les immeubles jumeaux
Construits entre 1658 et 1680 sur la Place des Lices où se tient l’incontournable marché du samedi matin, ces deux hôtels particuliers en pans de bois sont caractéristiques du style du XVIIème à Rennes. Deux immeubles « jumeaux », avec des baies verticales et un grand escalier central dont on devine la structure sur la façade. A l’époque de leur construction, le bois n’était pas apparent. On construisait à l’économie en pans-de-bois, mais on cherchait à imiter la pierre avec un enduit. Un escalier à double volée devant l’entrée rappelle les marches du Parlement où siégeaient les occupants de ces hôtels qui marquent le paysage par leur hauteur.
Pour avoir une idée de l’intérieur, il suffit de monter les marches du numéro 28 de l’Hôtel Racapée de la Feuillée (dont la façade est actuellement en cours de restauration) et d’en profiter pour découvrir deux belles boutiques. A gauche, Aperçu, une très bonne adresse pour les amateurs de décoration et de produits de qualité (meubles, tissus mais aussi thés et produits de beauté). A droite, c’est la Poudrerie, institut de maquillage et beauty-bar. Entre ces deux commerces, on peut admirer l’art des escaliéteurs avec un escalier « à jour central » qui vaut lui aussi le coup d’oeil. Une pause shopping et patrimoine s’impose !
- Hôtels de la Noue et Hôtel Racapée de la Feuillée, au 26 et 28 de la Place des Lices
Place du Champ Jacquet : un château de cartes
Les façades typiques du XVIIème siècle paraissent instables et irrégulières. Mais à l’époque de leur construction, c’était tout le contraire : les immeubles donnaient une impression de stabilité et de régularité. Place du Champ Jacquet, ils s’appuient sur le rempart du XVème siècle, situé juste derrière. Ces logements meublés étaient destinés à héberger des hommes de lois venus travailler en nombre dans la capitale parlementaire. Le percement de la rue Leperdit (à gauche) a créé un vide qui a fait pencher la façade. Aucune cloison en pierre ne sépare en effet les immeubles qui ont donc « travaillé » avec le temps. Un mouvement qui illustre l’une des propriétés de la construction en bois : la souplesse de l’ensemble.
Hôtel Hay de Tizé : un Cocktail de matériaux
Sur cette même Place, vous pouvez prendre le temps et le soleil sur l’une des terrasses de bar ou de restaurant, au pied de la statue du révolutionnaire Leperdit, déchirant un édit royal. Et en regardant de l’autre côté, au numéro 5, vous pouvez voir l’Hôtel Hay de Tizé. Construit en 1665, c’est un bel exemple de mélange des genres et des matériaux : une façade en pans-de-bois, un premier étage en tuffeau et des fondations en granit… Un cocktail architectural à la mode bretonne. A propos de cocktails, si votre exploration des ruelles rennaises vous a donné soif, descendez à la Contrescarpe au pied de cet hôtel particulier pour en admirer les voûtes.