Publié le 22 juin 2020 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 11 octobre 2023
Rétrospective Martin Parr
« Parrathon » : 500 photos de Martin Parr au Frac Bretagne
“Parrathon” est la première rétrospective photographique de Martin Parr en France depuis 2005. Avec près de 500 photos, dont certaines séries ont rarement été montrées, ce sont 45 ans de la carrière du photographe qui défilent au Frac Bretagne, le fonds régional d’art contemporain. De ses débuts en noir et blanc en 1975, à ses dernières images sur les selfies, le photographe s’est imposé comme un « chroniqueur de notre temps ».
Son regard sur ses concitoyens, sur le tourisme de masse, est marqué du sceau de l’humour anglais. Avec un goût prononcé pour les situations absurdes et les détails qui font mouche. C’est sans doute pour cela que beaucoup d’images de Martin Parr, membre de l’agence Magnum depuis 1994, sont devenues aussi iconiques : elles montrent avec dérision et précision, sans aucune méchanceté, comment nos vies se sont transformées sous l’effet de la mondialisation et de la consommation de masse. Ses images de plages bondées, ses portraits kitschs et sans concession de la société anglaise ont fait le tour du monde. C’est le moment de faire une escale à Rennes pour les voir dans le magnifique écrin du Frac Bretagne, dessiné par l’architecte Odile Decq.
Première rétrospective en France depuis 2005
« Martin Parr, c’est une star !» résume Etienne Bernard, le directeur du Frac Bretagne qui avait très envie de travailler avec ce photographe à part. Pour le Fonds Régional d’art contemporain, faire venir un photographe comme Martin Parr est un événement. S’il expose fréquemment aux rencontres photographiques d’Arles et à l’étranger, Martin Parr se fait rare dans l’Ouest. Certaines de ses photos avaient déjà été exposées en grand format à Rennes sur la Place de la Mairie en 2010 mais depuis, Martin Parr n’a cessé de mitrailler ses contemporains et s’intéresser à de nombreux sujets de société. Sur son compte Instagram il a d’ailleurs publié récemment des images des manifestations contres violences policières aux Etats-Unis. Un photographe, né en 1952, plus que jamais connecté à son époque.
Artiste engagé contre le Brexit
« Dans un contexte marqué par le Brexit contre lequel Martin Parr s’est fortement engagé, il me semblait intéressant que la Bretagne parle de la Grande-Bretagne » explique Etienne Bretagne, le directeur du Frac. Une exposition qui vous fera voyager Outre-Manche et en ces temps de fermeture des frontières, on n’aurait tort de s’en priver.
14 séries, un marathon photographique de 1975 à 2019
Ce « Parrathon » est exceptionnel à plus d’un titre : il regroupe des centaines de photos à travers des séries emblématiques du travail du photographe. Certaines ont d’ailleurs été rarement exposées. Comme celles de ses débuts, en noir et blanc. Dans The non-conformists (1975), le jeune Martin Parr, alors âgé de 23 ans, s’intéresse à une communauté méthodiste d’une petite ville du Yorkshire. Quelques années plus tard à travers Bad Weather (1982), il porte son attention sur une obsessions typiquement britannique : la météorologie. Une plongée avec un appareil waterproof dans le mauvais temps anglais qui s’abat sur les habitants de Leeds et de Manchester : pluie, crachins, averses de neige et tempête. « Dans ses premières séries de photos en noir et blanc, on devine déjà son travail sociologique, son intérêt pour le quotidien des gens… » analyse Yann Le Sueur, médiateur de l’exposition. « A cette période, des choses incongrues commencent aussi à apparaître dans ses photos. Il y a un petit côté Jacques Tati dans sa façon de voir le monde ».
Un humour typiquement british
L’humour anglais est une composante essentielle de son travail avec la couleur qui fait son apparition dans la fameuse série The Last Resort (1983-1985). Le photographe y ausculte les vacances des classes populaires dans la station balnéaire de New Brighton. Avec un mélange de tendresse et de satire, Martin Parr dépeint surtout le changement d’une époque et le début des années Thatcher et l’avènement de la société de consommation. Un regard acerbe sur la société anglaise et ses concitoyens qui n’épargne personne. Toutes les classes sociales en prennent pour leur grade : les classes moyennes dans The Cost of Living (1986 – 1989), la jet-set internationale dans Luxury (1997 – 2011), l’élite britannique et ses rituels dans Establishment (2010 – 2016).
Un regard acerbe sur le tourisme de masse
D’autres séries sur le tourisme de masse prennent un relief particulier, criant d’actualité : la série Small World (1989 – 2008) sur les traces du vacancier moderne, montre comment les voyages low-cost ont rétréci le monde et uniformisé le rêve touristique. Les conséquences de la surconsommation et du sur-tourisme, Martin Parr la traite alors en gros plan dans Common Sense (1999), une série largement exposée dans le monde où les images aux couleurs acidulées, accumulées et imprimées en format A3 sur une imprimante, forment une mosaïque criante de vérité.
Le sens de la dérision Martin Parr se l’applique également à lui-même avec les autoportraits qu’il réalise dans chacune des villes qu’il visite. Ses Self-portraits (1991 – 2016) jouent sur l’imagerie populaire des vacances et nous renvoient à notre propre responsabilité en tant que voyageur. Sans le savoir nous sommes tous des clichés ambulants… Enfin Martin Parr avec ce souci du « diable dans les détails » démonte les nouvelles pratiques photographiques qui accompagnent la démocratisation des voyages. Death by selfie (2015-2019), dissèque ce nouveau rituel incontournable de vacances réussies : le selfie.
« Au-delà d’être un photographe, Martin Parr est un aussi archéologue de la pratique amateur » précise Etienne Bernard. Ses autoportraits, son travail sur le selfie, comment il utilise les lumières des flashs renvoient à tout un imaginaire de la photo de vacances avec une distanciation salutaire. Un univers typiquement britannique, plein d’un humour vache à la Monthy Python, où la frontière entre le bon et le mauvais goût tend à disparaître.
L’exposition en pratique
- Horaires : du mardi au dimanche de 12h à 19h, du 13 juin 2020 au 24 janvier 2021 au Frac Bretagne 19 avenue André Mussat, 35011 Rennes. www.fracbretagne.fr/fr/
- Tarifs : 3€ (plein tarif), 2€ (tarif réduit), gratuit pour les moins de 26 ans, gratuit tous les premiers dimanches de chaque mois.
- Dans le parc du Thabor : 10 photos grand format de l’exposition sont aussi visibles dans le parc du Thabor sur les vitres de l’Orangerie. Les horaires d’ouverture du jardin : de 7h30 à 20h30 tous les jours en été et de 7h30 à 18h30 tous les jours en hiver. Entrée gratuite.
- Règles sanitaires : Le Frac Bretagne a mis en place un protocole sanitaire pour respecter les distances dans l’exposition, le port du masque et le lavage des mains à l’entrée sont obligatoires pour la visiter.