Publié le 22 mars 2021 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 4 janvier 2024
Elvi
Il raconte la ville en slam-poésie
Sa voix résonne au coin des rues du centre historique, devant les tableaux du Musée des beaux-arts et même dans les coulisses du Théâtre National de Bretagne. Hervé Salesse, alias « Elvi », est slameur, un poète des temps modernes. Suivez-le dans ses endroits préférés de Rennes.
« Ici à Rennes, les gens sont cools et accueillants »
Originaire du Sud-Ouest, dont il a gardé une pointe d’accent, Hervé a commencé ses études à Bordeaux. C’est là qu’il a chopé le virus du slam avant de venir poursuivre ses études à Rennes, en Master Staps. Après une année au pair en Espagne, il revient en Bretagne pour terminer ses études. Entre Bordeaux, Madrid et Rennes, son cœur balance mais il a le coup de foudre pour la capitale bretonne. « Ici à Rennes, les gens sont très cools et accueillants, j’apprécie la proximité de la côte pour ses paysages, pour aller faire du surf, manger des fruits de mer, prendre du bon temps quoi ! La ville est grande mais reste à taille humaine, on s’y sent bien » confie Hervé. C’est donc en Bretagne qu’il déclame désormais sa prose sous son pseudo d’artiste “Elvi”, après des débuts bordelais dont il se souvient avec émotion.
« En slam on se met vraiment à nu »
« Je suis allé dans un bar avec ma feuille toute tremblante » raconte Elvi, « se faire applaudir n’est pas quelque chose de naturel. En slam, on se met vraiment à nu, sans musique c’est comme chanter a capella. Mais j’y ai pris goût et je suis revenu sur scène, je me suis testé sur des tournois jusqu’à représenter Bordeaux aux championnats de France… à Rennes ». Ce même championnat où il finira en finale avec l’équipe locale Slam Connexion. Un collectif rennais qui propose des ateliers d’oralité et d’écriture avec des scolaires, en entreprise et même dans le milieu carcéral, mais aussi des scènes ouvertes et des tournois.
Aux origines du slam, un ouvrier du bâtiment de Chicago
Comme Hervé, le slam a voyagé pour arriver jusqu’à nous. C’est un art nouveau né en 1986. Il s’est répandu un peu partout et est arrivé en France à la fin des années 1990 avec des figures de proue comme Grand Corps Malade ou Ab al Malik. « Des artistes comme Gaël Faye, Big Flo et Oli sont aussi issus de la scène slam et s’en revendiquent » précise Elvi.
La légende raconte que le mot slam est venu un peu par hasard à Marc Smith. Considéré comme le père du slam, il a eu le déclic en regardant un match de baseball : le fait de frapper la balle avec la batte (« to slam « en anglais). Frapper un grand coup, mais avec la force des mots, c’est tout l’esprit du slam. L’ouvrier du bâtiment de Chicago commencera à se rôder sur la scène du Green Mill, le bar préféré d’Al Capone. Depuis ses origines à Chicago, en plus de scènes ouvertes au public, le slam a conservé des formats de compétition, des battles, à l’image de ce qui existe dans le rap ou la danse hip-hop.
« Ecrire un texte, c’est comme faire une recette de cuisine »
« Le sport est ma première passion et je me retrouve bien dans cette histoire, à la différence près que dans le slam, le jeu est plus important que l’enjeu, c’est avant tout de l’art » explique Hervé Salesse. « Le slam c’est un peu comme la cuisine, tu cherches un équilibre entre le fond et la forme. Ecrire un texte c’est comme faire une recette, les mots sont les ingrédients et les figures de style, la technique, le tour de main. ». Des formats parfois détonnants comme les concours de compliment qu’il adore et auxquels il participe avec le groupe « Ta mère la mieux ».
« Rendre la poésie vivante et accessible »
Dans le slam, les figures du style permettent de capter rapidement l’attention tout en mettant du rythme et en gardant une grande liberté. « On peut rester dans la poésie en cassant les codes de la poésie » affirme Elvi.
Lors des visites du centre historique, chacun de ses textes est différent et emprunte un style différent : anadiplose, anaphore, hyperbole, personnification pour faire parler des monuments, métaphore… Il raconte à sa manière des épisodes marquants de l’histoire de Rennes comme l’incendie de 1720.
Et quand on lui demande de résumer ce qu’est le slam, il y voit avant tout « un espace d’expression, libre et poétique. Chacun se l’approprie à sa manière pour s’exprimer et être écouté. Pour les slameurs, l’objectif est de « rendre la poésie accessible, rendre la poésie vivante ».
D’ailleurs le slam est surtout pour beaucoup d’autres artistes, un tremplin vers d’autres formes artistiques. Tout commence par le verbe…
La ville est une scène et nous en sommes tous les acteurs…
Face à ce format insolite, les visiteurs qui suivent ses visites poétiques restent rarement indifférents. « Mes textes interpellent, j’aime créer un petit drama et faire en sorte que les gens réagissent, certains applaudissent en m’écoutant quand d’autres apprécient moins, c’est le jeu. La ville appartient à tout le monde et finalement ça créé un spectacle dans le spectacle ».
Des visites en slam au musée et au TNB
Car Elvi ne fait pas que déclamer, il échange, il écoute pour avoir comment sont perçus ses textes, toujours engagés. Sa marque de fabrique. Selon le lieu ou le public, le format change : dans le centre historique, il raconte à sa manière l’histoire de la ville, son ambiance, révèle le patrimoine sous un autre angle. Un format accessible à tous les publics.
Au Musée des beaux-arts, ses textes font écho à des œuvres qu’il a choisi librement et dont il livre une analyse personnelle, « un peu comme de l’écriture automatique ». En écho, une médiatrice du musée aborde ensuite les tableaux sous l’angle de l’histoire de l’art, deux visions qui se complètent pour une visite enrichie du musée.
Au TNB, c’est dans les coulisses que ses mots trouvent des interstices. Même si les formats de visites en slam sont différents, la configuration est souvent la même : le slameur est dans le dos des spectateurs qui regardent eux le décor : un tableau ou un monument. La voix d’Elvi résonne alors comme une bande-son. Une drôle d’expérience, très immersive, qui change radicalement le point de vue jusqu’à donner des frissons. A tester lors de votre prochaine découverte de Rennes.
Les adresses favorites d’Elvi à Rennes
- Bibiche club, sur le Mail François Mitterrand, où il aime peaufiner ses textes en terrasse, « c’est un peu mon deuxième bureau ».
- La Piste, toujours sur le mail, « pour boire un coup entre amis en terrasse »
- La rue du chapitre « à la fois vivante et apaisante avec de très bonnes adresses pour manger et de belles petites boutiques comme Grammage, Made In Frogs. Je viens d’une famille de commerçants, mes parents tenaient une boulangerie-pâtisserie à Limoges, je suis très sensible à la qualité de l’accueil, au sourire quand on pousse la porte d’un commerce. C’est pour ça que je conseille aux touristes qui suivent les visites guidées en slam d’aller faire un tour rue du chapitre pour trouver de chouettes souvenirs ».
- Falafel, 16 rue Saint-Malo, « je n’y vais pas que pour manger c’est avant tout une expérience, j’adore l’ambiance ».
- La rue Nantaise, qui regorge de bonnes adresses de restaurants. « En matière de bouffe à Rennes, on est bien servis ».