Publié le 10 avril 2018 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 11 octobre 2023
Boris Charmatz
Depuis 10 ans, il fait danser la ville
« Rennes est devenue une ville de danse »
Avant d’arriver à Rennes, Boris Charmatz était connu pour être un fer de lance du mouvement de la non-danse. Venu pour diriger le Centre chorégraphique national, rue Saint-Melaine, il quittera ses fonctions à la fin de l’année 2018. Mais d’ici là il compte bien laisser encore quelques empreintes dans une ville qu’il l’a vite adopté et qui a bien changé en une décennie.
« Rennes a changé et elle va continuer à changer : nouvelle gare, deuxième ligne de métro, nouveaux quartiers… » reconnaît le chorégraphe. « La vie culturelle a changé avec une nouvelle direction au TNB, et d’autres renouvellements à venir, comme à l’Opéra. J’espère que la ville s’est aussi transformée par la présence du Musée de la danse, beaucoup de danseurs professionnels sont venus s’installer à Rennes en résonnance aux activités qu’on peut proposer. On a fait naître des vocations chez des enfants et des amateurs. En dix ans Rennes est devenue une ville de danse ! » se félicite Boris Charmatz.
“Des propositions toute l’année” au TNB, au Triangle, aux Champs Libres…
Et si la greffe a aussi bien pris à Rennes, c’est grâce selon lui au terreau culturel fertile de la Bretagne. « L’affinité des Rennais avec la danse était déjà présente, elle avait besoin d’être affirmée. Nous sommes dans une région et une ville musicale et qui dit musique dit danse. Les plus grands chanteurs sont aussi de grands danseurs. A Rennes, il y a une identité de danse traditionnelle très forte que j’adore. Avec Le TNB, le Triangle, le Centre chorégraphique national, on a la chance d’avoir de nombreuses propositions toute l’année autour de la danse avec des circulations possibles entre ces différents lieux à l’image du grand moment autour de William Forsythe : des spectacles extraordinaires par le ballet de Madrid au TNB, une installation à la salle Anita Conti aux Champs Libres et au Musée de la danse des films, des stages et des performances et pendant Fous de danse un duo Forsythe ».
Le musée de la danse, « un chaudron expérimental »
Lorsqu’il est arrivé pour diriger le Centre chorégraphique de Rennes, Boris Charmatz la rebaptisé « Musée de la danse », une manière d’ouvrir le lieu à de nouveaux publics et de décloisonner la pratique de la danse. « Le Centre chorégraphique est un lieu d’expérimentation qui a parfois du mal à trouver du public. Les écoles de danse on voit bien ce que c’est, les spectacles aussi, mais pour le grand public un Centre chorégraphique national est plus compliqué à expliquer. Le musée de la danse est donc une porte dans un univers, on ne sait pas forcément ce qu’il y a derrière, c’est presque Matrix… » explique le chorégraphe. « Le Musée de la danse est un concept qui pose des questions : qu’est ce qu’un musée avec de la danse, qu’est-ce qu’une collection, comment on expose la danse, comment faire de la muséologie ? Le Musée de la danse a donc interrogé plein de gens : des artistes, le public, des architectes pour inventer des événements. C’est devenu un chaudron pour expérimenter des choses”.
Collaboration avec le MoMa de New York et la Tate Modern de Londres…
Pour lui, « le vaisseau du Musée de la danse est devenu un medium qui nous a permis de faire Fous de danse sur l’esplanade Charles de Gaulle, de dialoguer avec le MoMA de New York, la Tate Modern de Londres, les Champs Libres, pour voir comment nos collections et nos chefs d’œuvres peuvent résonner avec ceux des musées. On est tout petit, mais c’est une institution fluide et souple. Le Musée de la danse est une manière d’ouvrir des portes, d’enlever les murs entre la danse des enfants, la danse des professionnels, entre l’histoire et la recherche, entre le grand public et le laboratoire. Partager simplement la culture chorégraphique… »
Sur les pas d’un danseur dans les rues de Rennes
Boris Charmatz qui a beaucoup arpenté la ville depuis qu’il y est arrivé. A l’occasion de Fous de danse, où il a invité le public à danser sur l’esplanade Charles de Gaulle. Avec parfois jusqu’à 16.000 personnes qui ont joué le jeu donnant à la place des airs de comédie musicale à ciel ouvert. Comme un air de “Ouest Side Story” en Bretagne… Un concept qu’il a même emmené dans ses bagages en tant qu’artiste associé à la Volksbühne de Berlin, avec une nouvelle édition fous de Danse sur le tarmac de l’ancien aéroport de Tempelhof de la capitale allemande.
« Fous de danse est une journée qui peut changer l’image qu’on se fait d’une ville, d’une place et de comment on s’empare de l’espace urbain » indique Boris Charmatz. Ses échauffements publics mensuels lui ont permis d’explorer beaucoup de quartiers rennais, qu’il ne se lasse pas de redécouvrir. « J’aime me balader au bord du canal et de la Vilaine. Partir sans savoir où on va, dans le centre-ville avec son entrelacs de rues incroyable, on redécouvre des ruelles même après plusieurs années. Il ne faut pas hésiter à sortir du centre dans les quartiers où les paysages sont plus complexes » conseille Boris Charmatz.
“On mange bien à Rennes”
Et s’il se promène énormément, le danseur n’oublie pas de se restaurer dans une ville gourmande. « On mange bien à Rennes. J’habitais Place Saint-Germain j’adorais son marché, il y a des producteurs de légumes extraordinaires autour de Rennes, c’est une vraie chance ». Côté restaurant le danseur lorgne sur le nouvel étoilé rennais : « On m’a beaucoup parlé du restaurant IMA, j’ai très envie d’y aller ». Sans perdre de vue ses autres racines : « Je suis Savoyard, le fromage est très important pour moi, même si ce n’est pas la spécialité de Rennes il y a d’excellents fromagers comme les Balé ». Une adresse gourmande parmi d’autres dans le quartier des Halles centrales où se trouve aussi un traiteur qu’il apprécie. « Lorsque j’habitais à Vincennes j’allais chez le traiteur Joly et quand je suis arrivé à Rennes, ils venaient de s’y installer, nous étions à nouveau voisins… » Drôle de coïncidence gourmande !
Au rayon culture si le danseur ne devait conseiller qu’un seul festival ce serait sans hésiter le Festival TNB et son « ambiance de dingue », nouvelle version du festival « Mettre en scène »
Même s’il laissera les rênes du CCN à la fin de l’année, Boris Charmatz espère garder un pied à Rennes. « J’ai envie de revenir comme tout le monde au TNB pour poursuivre le travail amorcé avec le nouveau directeur Arthur Nauzyciel, j’aimerais bien ne pas couper dix ans d’histoire avec la ville et continuer de la revisiter ».