Publié le 08 mars 2021 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 28 décembre 2023

Il était une fois… le street-art

Quand l’art urbain fait le mur

Fresque d'art urbain réalisée en 2018 lors de la Biennale Teenage Kicks à Rennes
Destination Rennes – Julien Mignot

A Rennes, depuis des années, des oeuvres de street-art fleurissent sur les murs. Des pratiques artistiques souvent mal connues qui invitent pourtant à regarder la ville autrement. A découvrir lors d’une visite guidée dédiée à l’art urbain ou pendant une balade dans les rues.

« J’ai un mur qui m’appelle » 

Destination Rennes – Julien Mignot

Peindre sur les murs… la pratique n’est pas neuve. Le street-art d’aujourd’hui fait écho aux peintures rupestres réalisées par les premiers hommes, il y a bien longtemps. Les artistes laissent un témoignage sur un mur, comme un message aux générations futures… Les graffeurs, comme tous les artistes, ont un besoin d’exprimer quelque chose qui les dépassent. Entre-eux ils disent souvent : « j’ai un mur qui m’appelle »… 

« Le graffiti est aussi vieux que le monde » explique Cécile Vautier, guide conférencière de l’Office de tourisme qui anime des visites guidées sur le thème de l’art urbain« A toutes les époques, on a laissé des traces sur certains murs, aujourd’hui c’est la quantité qui fait qu’on le perçoit parfois comme une nuisance visuelle ou comme un mouvement d’appropriation de la ville, alors que l’espace public appartient à tout le monde ». 

La démarche des street-artistes mérite donc le coup d’oeil. A Rennes, depuis des années, leur travail est valorisé, avec notamment des murs autorisés et des événements portés par les graffeurs eux-mêmes. Rennes est devenue une destination foisonnante pour les amateurs de street-art ou les curieux de cette forme d’expression.  

Un objet artistique non identifié 

Teenage kicks à Rennes
Teenage Kicks 2019 à Rennes

Si la frontière avec le vandalisme est parfois ténue, le street-art recouvre des styles, des techniques et des formes d’expression très différentes qui ont évolué depuis les débuts du mouvement né dans les années 1960 aux Etats-Unis. « A New York, ce sont des adolescents de minorités ethniques qui ont commencé à imaginer des signatures avec le numéro de leur avenue et un surnom qu’ils vont apposer dans leur quartier, le premier acte d’une appropriation du territoire » raconte Cécile Vautier qui anime toute l’année des visites guidées sur le thème du street-art. « Les premiers graffeurs se sont ensuite rendus compte qu’en mettant leur signature sur le métro elles allaient voyager dans toute la ville. C’est comme cela que tout a commencé ». 

Des rames de métro, les premiers graffeurs sont passés aux murs des grandes villes. Rennes ne fait pas exception. « L’élément déclencheur de l’émergence du streetart à Rennes est l’arrivée du TGV en 1986 » explique Cécile Vautier « Même si dès le début des années 1980 des jeunes Rennais inspirés commencent à pratiquer la bombe, l’arrivée par le train d’artistes venus de Paris et d’ailleurs va créer une émulation en amenant un nouveau style. Une nouvelle concurrence qui va contribuer à élever le niveau des artistes locaux ».  

Destination Rennes – Franck Hamon

Un phénomène assez classique dans l’histoire de l’art, en particulier en Bretagne, une région réputée pour être très perméable aux nouveaux courants et aux influences extérieures. D’ailleurs, dès les années 1990, les Trans Musicales, toujours à l’avant-scène des nouvelles tendances, invitaient déjà des graffeurs à s’exprimer pendant le festival.  

Une autre date marquante dans l’histoire de l’art urbain en Bretagne est la fondation du réseau urbain d’expression en 2002, sous l’impulsion de la ville de Rennes qui souhaitait limiter les tags. « A cette époque, un crew rennais, le Rennes City Kid, a eu envie de montrer qu’on peut faire de l’art urbain sans forcément être dans l’illégalité » raconte Cécile Vautier. « C’est pour eux une opportunité de montrer leur travail et de faire de la médiation. Pour expliquer que c’est un art composé de techniques et desthétiques différentes avec des références à l’histoire de l’art ou à la pop culture… » 

Depuis 2019, Rennes a son Mur, « une galerie à ciel ouvert » 

Rennes ville et métropole – Claire Huteau

En parallèle se forme l’association Graffiteam qui impulse la première peinture sur le mur du Colombier en 2000 Aero Soul, première ébauche du Wall of Fame investi depuis 2013 par les artistes invités dans le cadre de Teenage Kicks. Dernièrement, le M.U.R (pour « modulable, urbain et créatif ») de Rennes a inauguré une forme de happening autour du street-art en invitant chaque mois un artiste différent à venir créer sur ce mur situé au 34 rue Vasselot. A l’image du mur Oberkampf à Paris et des autres murs locaux dans d’autres villes françaises, c’est un projet porté par une association animée par des passionnés de street-art, mais aussi des habitants et commerçants du quartier. Le parrain et premier invité mur est un artiste réputé internationalement Blek le Rat dont le travail a largement inspiré le célèbre Banksy.  

Des artistes avec des trajectoires très différentes 

Destination Rennes – Julien Mignot

Aujourd’hui même si le street-art est devenu « à la mode » et investit des galeries, les street-artistes ont tous des parcours et des styles différents. 

« Certains ont fait les beaux-arts quand d’autres sont complètement autodidactes et font murir leur travail dans la rue avant de passer sur des toiles et d’être exposés dans des galeries, il n’y a pas de parcours type. C’est ce qui fait la richesse de leurs pratiques qu’on raconte à l’occasion des visites street-art ». Certains sont regroupés en collectif, comme au sein de la Crèmerie, bien connue des Rennais pour ses créations spectaculaires. 

Les formats aussi sont très variés, une œuvre peut tenir sur 5 centimètres carrés ou recouvrir l’ensemble d’une façade d’immeuble en format XXL. Partir à la rencontre des œuvres est comme un jeu de pistes dont les indices s’effacent et se renouvellent en permanence : ils nous invitent à regarder la ville autrement. 

Une fois dans la rue, les œuvres ne leur appartiennent plus 

Malgré des trajectoires différentes, les street-artistes ont un point commun : « Une fois qu’ils ont déposé leur œuvre dans la rue, elle ne leur appartient plus, c’est toute la différence avec un travail en galerie. Ils ne connaîtront jamais sa durée de vie et ne pourront pas la récupérer » analyse la guide-conférencière. « Il n’y a pas de démarche commerciale et les street-artistes refusent même qu’une valeur mercantile leur soit donnée ». 

Certains artistes voient même d’un mauvais œil que les œuvres de street-artistes célèbres s’arrachent à prix d’or dans les ventes aux enchères. Banksy, lui-même s’en moque et s’en amuse. « Le terme street-art a été inventé par les galeries pour vendre des artistes » affirme Mathias Brez qui co-organise la biennale Teenage Kicks. Lui préfère le terme « d’art urbain ». 

Art urbain ou street-art, faites-vous votre propre opinion sur cette forme d’art en parcourant la ville au fil des oeuvres disséminées un peu partout, ou en suivant une visite guidée thématique autour du street-art… 

Lexique de l’art urbain par Mathias Brez 

La friche de la Courrouze
La friche de la Courrouze © Destination Rennes – Franck Hamon

Le jargon de l’art urbain, Mathias Brez le connaît bien, il est le co-fondateur de la biennale Teenage Kicks. Il décrypte pour nous les termes principaux qui désignent autant de courants artistiques à l’œuvre sur nos murs.  

  • Graffiti : « Dessin ou écriture sur une surface non autorisée ». 
  • Art Urbain / street art : « Il s’agit de toutes formes d’art réalisées dans la rue ou dans des endroits publics. Il englobe diverses techniques telles que le graffiti, le pochoir, le muralisme, les stickers, les collages, la projection vidéo… » 
  •  Tag : « Signature stylisée imposée sur les murs de nos villes ». 
  •  Writing : « À la toute fin des années 1960, émerge sur la côte Est des États-Unis un mouvement esthétique promis à une diffusion internationale : le writing (nom donné par les Anglo-Saxons au graffiti d’inspiration new-yorkaise et que les graffeurs préfèrent à celui, trop générique, de graffiti). À l’époque où Demetrius, jeune coursier d’origine grecque, commence à tracer sur les murs son pseudonyme « Taki 183 », New York se compose d’une somme de territoires fortement ségrégués dont seuls les réseaux de transport assurent la continuité. Significativement, c’est sur les rames des métros qui roulent d’un bout à l’autre de la ville que la jeunesse new-yorkaise développe peu-à-peu une esthétique proche de la calligraphie et dont les traits principaux sont l’emploi du pseudonyme, l’usage de la bombe aérosol et les nombreux emprunts à la culture de masse, cinéma et comics en tête ». 
  •  Muralisme : « C’est une pratique et un mouvement artistique consistant à réaliser des peintures murales à caractère souvent politique sur les murs des villes, en particulier sur les murs d’édifices publics. Né au Mexique au début des années 1920, il est mené notamment par Diego Rivera, un peintre très connu  pour ses fresques murales, principalement dans les bâtiments officiels au centre historique de Mexico. Très en vogue au début des années 70 et 80 en France, il connaît un renouveau avec l’arrivée d’artistes issus pour la plupart de la culture Graffiti ». 

Pour aller plus loin…

Si le street-art vous intéresse, vous pouvez relire “Les Murmures de la ville” un hors-série du magazine les Rennais consacré à la peinture urbaine. Les éditions Ouest-France ont également sorti récemment un ouvrage très complet sur les arts urbains en Bretagne, en vente à la boutique de l’Office de tourisme, 1 rue Saint-Malo.


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