Publié le 24 décembre 2015, mis à jour le 10 juin 2024
Séverine Even
Dans la capitale bretonne, l'architecture contemporaine se mêle aux maisons à colombages
Des grandes lignes de son histoire aux petits recoins de sa carte, Séverine Even connaît Rennes comme sa poche. Normal, elle y est née. Logique, c’est aussi son métier.
On est toujours étonné par Rennes
Séverine Even est guide conférencière à l’office de tourisme de Rennes Métropole. Elle bat le pavé par tous les temps pour faire découvrir sa ville aux visiteurs. Jusqu’à la faire aimer autant qu’elle.
« Bonjour, je suis Séverine. Bienvenue à tous ». Ainsi débutent les visites guidées de Séverine. Sous la voûte de la chapelle Saint-Yves, la guide conférencière réunit son auditoire autour de la maquette de Condate. Ou comment grandit une cité gallo-romaine au confluent de l’Ille et de la Vilaine, bientôt entourée de remparts, puis rattachée au duché de Bretagne…
Urbaine à taille humaine
Séverine Even aime l’histoire et l’art. Elle aime aussi sa ville. Elle n’a jamais voulu exercer un autre métier. « Le virus m’a pris à 11 ans. Je suivais ma grand-mère dans ses voyages en car du troisième âge. Il y avait ces guides avec casquette et micro. J’étais fascinée ! ». Le métier a bien changé depuis. Séverine s’est formée avec assiduité. Elle est titulaire de plusieurs diplômes. En tourisme, en histoire de l’art, en linguistique… Sa carte professionnelle de guide interprète national l’autorise à exercer en français, en anglais, en espagnol et en italien auprès de publics très variés
Enfant, Séverine a grandi dans le quartier populaire de Maurepas. Adolescente, elle a fréquenté le lycée Zola – où fut jugé le capitaine Dreyfus en 1899. Puis elle a travaillé en Grèce, en Espagne, en Italie, au Chili, au Pérou… Comme guide de haute montagne ou enseignante de français. Toujours avec le même amour du patrimoine. « Je me suis sentie bien dans beaucoup de villes. À Rennes, je me sens TRÈS bien ». Les visiteurs le disent aussi.
« Rennes n’est pas un site touristique majeur. Les gens n’ont donc pas une image préconçue de la ville. Ils ne savent pas vraiment ce qu’ils vont y trouver. Ils sont toujours étonnés, agréablement surpris ». Ce qui plaît ? « Une ville à taille humaine dont le centre-ville se parcourt à pied en flânant, sans craindre les voitures ni la foule ».
La chapelle Saint-Yves
Avant de déménager Place Sainte-Anne, l’office de tourisme de Rennes Métropole a longtemps été installé dans l’un des plus anciens monuments de Rennes, érigé au 15e siècle. La chapelle Saint-Yves était à l’origine l’annexe religieuse d’un hôpital, aujourd’hui disparu. Mis en lumière par des vitraux contemporains, le bâtiment de style gothique flamboyant a conservé le cachet de sa haute charpente sculptée, de ses poutres à « gueules de monstre » et de son sol en schiste pourpre.
Le Parlement, beauté et frissons
Edifice emblématique, le Parlement de Bretagne figure parmi les visites incontournables de l’office du tourisme. Pas de routine : Séverine l’aime comme au premier jour. « Je me souviens de l’instant où j’ai pénétré pour la première fois dans la Grand’Chambre. Ce sentiment d’émerveillement devant la beauté d’un décor aussi somptueux… J’éprouve toujours le même frisson quand je tourne la clé avant d’allumer la lumière ».
Aux yeux de Séverine, le Parlement de Bretagne est aussi un symbole multiple. Celui d’une région fière de son indépendance hier face au royaume de France – et de son identité culturelle aujourd’hui. Celui d’une résurrection exemplaire, aussi, après le tragique incendie de 1994. «C’est un patrimoine bien vivant, pas un musée ». Où l’on croise les robes noires des avocats et les micros des journalistes les jours de grand procès : le Parlement de Bretagne est le siège de la cour d’appel de Rennes.
La place Hoche à livre ouvert
En remontant un peu vers le nord, la route de Séverine croise la place Hoche. C’est là qu’elle vient faire ses emplettes littéraires sur les stands des bouquinistes. « Ils ont du choix. Chacun a sa spécialité. On peut y trouver des ouvrages de grande valeur et plein de romans pas chers. Et il y a ce contact humain. J’apprécie parce que c’est le sens de mon métier ».
Autour de la place carrée se tiennent deux hôtels particuliers aux motifs végétaux. Ce sont deux beaux témoignages de style Art nouveau. À l’angle adjacent pointe l’étonnant hôtel Galicier (1893). « Il ressemble à un petit château d’inspiration néogothique aux formes très composites. Avec une loggia, une tourelle, des meurtrières… et une façade en ciment brut ! »..
Le midi, les étudiants de la faculté d’économie pique-niquent sur les bancs de la place Hoche. L’après-midi, les enfants s’envolent sur le manège. Un marché alimentaire tient boutique le jeudi. Même le centre commercial de la Visitation recèle quelques surprises. « Regardez-bien… Vous voyez cet atrium ? Et ce temple votif en vitrine ? Les restes d’une grande villa gallo-romaine sont sous nos pieds ».
Des visites pour découvrir Rennes
Avec Séverine, une visite en appelle une autre. Retour à la chapelle Saint-Yves où débouchent les ruelles sinueuses du Rennes médiéval, bordées de maisons à pans de bois. Séverine lit à travers les façades.
« Plus de 800 maisons ont été détruites dans le grand incendie de 1720. Il en reste environ 500 mais la moitié d’entre elles est recouverte par du crépi ou des ardoises ».
Séverine affectionne les arrière-cours secrètes et fleuries, dissimulées derrière les façades de guingois. Entendez-vous la cohue des charrettes des paysans et des vendeurs ambulants ? « J’aime surtout ce contraste avec l’architecture classique du 18e siècle et la silhouette des édifices contemporains. Plusieurs époques cohabitent à certains endroits ».
C’est le cas du square Hyacinthe Lorette où l’immeuble de standing de Jean Nouvel (2015)) surplombent les vestiges des anciens remparts rehaussés de la tour Duchesne.
La maison Ty Koz
Au numéro 3 de la rue Saint-Guillaume se trouve l’une des plus anciennes demeures du centre historique de Rennes. Elle fut bâtie en 1505 pour des chanoines de la cathédrale.
Sur sa façade richement sculptée figurent deux statues de Saint-Michel et de Saint-Sébastien, percé de flèches. Classée monument historique, la maison fut en partie détruite par un incendie en 1994. Elle abrite actuellement un club privé.
Le secret le mieux gardé de Rennes ?
Et l’épi de maïs géant au fond ? Ce sont les Horizons. Son architecte s’appelle Georges Maillols (1970). Séverine a les chiffres en tête :
« 35 niveaux, 100 m de haut, 480 appartements, 1 000 habitants. C’était l’un des premiers immeubles de grande hauteur à usage d’habitation construit en France. Quand il était enseignant à Rennes, le romancier Milan Kundera habitait le dernier étage ».
Au pied du gratte-ciel coule l’un des secrets les mieux gardés de Rennes. Un sentier bucolique suit le bras de l’Ille qui embrasse le quartier de Bourg-l’Evêque. Il longe la salle de spectacle de la Paillette, un ancien lavoir et le domaine Saint-Cyr où une institution religieuse « redressait » jadis les âmes égarées de jeunes filles en difficulté, appelées à devenir lingères et lavandières.
Le chemin aboutit au Jardin de la Confluence, au bout du mail François Mitterrand. Fraîchement réaménagée, la pointe de verdure regarde le soleil se coucher dans le canal. Des pêcheurs profitent du spectacle. Et Séverine aussi. Ici l’histoire suspend son cours, le travail aussi.