Publié le 25 janvier 2018 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 27 décembre 2023
Piscine Saint-Georges
Les 1001 vies de la piscine Saint-Georges
C’est un monument emblématique de Rennes, une réalisation majeure de l’Art déco en France : la piscine Saint-Georges de Rennes, classée monument historique depuis 2016, fait partie du décor de la ville. On y va pour nager ou la visiter. La piscine se transforme aussi à l’occasion de festivals et d’événements culturels. Plongée dans l’histoire de l’un des bâtiments préférés des Rennais…
Inaugurée en 1926 et toujours en activité
Depuis 2016, la piscine Saint-Georges de Rennes est classée monument historique. Inaugurée en 1926, elle est toujours en activité : au 2 rue Gambetta, on peut s’y baigner bien sûr, mais aussi la visiter pour admirer sa façade Art déco et son décor intérieur de mosaïques réalisé par la famille Odorico. Cet équipement sportif est né de la volonté du maire de l’époque, Jean Janvier, qui a voulu doter Rennes d’une piscine. Un projet visionnaire, déjà dans les cartons avant la première Guerre mondiale, qui se concrétise bien des années plus tard, malgré une farouche opposition d’une partie des habitants.
Un projet porté par la vague hygiéniste
« La piscine Saint-Georges s’inscrit dans un contexte idéologique particulier » explique Gilles Brohan, animateur du patrimoine de l’office de tourisme. « Elle illustre la volonté politique du maire radical-socialiste d’apporter de l’hygiénisme en ville, en pleine période de renouvellement des formes urbaines ».
Dans l’esprit de l’époque, hygiène sportive rimait en effet avec hygiène morale et le maire voulait doter sa ville d’un équipement encore peu répandu (la France comptait seulement 16 piscines chauffées), pour permettre aux Rennais de s’initier à la natation. « Avant la construction de la piscine, ceux qui voulaient nager ne pouvaient le faire que dans la Vilaine ou le Canal d’Ille et Rance et sur une période extrêmement courte de l’année » rappelle Gilles Brohan.
Un temple du sport à la place d’une église en ruines
Cet équipement d’un nouveau genre voit le jour au milieu des années 1920, et se distingue des établissement de bains publics ou privés : on y vient pour faire du sport, pas pour se laver ! La confusion perdurera tout de même après son inauguration, les gens ne comprenant pas toujours pourquoi le règlement imposait de prendre une douche avant de se jeter à l’eau…
L’emplacement, proche de la rivière, est un choix délibéré : la piscine doit être centrale, située à proximité d’un autre équipement sportif, le vélodrome. Sa construction commence en 1923, en lieu et place d’une église en ruines, juste à côté du Palais Saint-Georges réaffecté aux services municipaux après que les militaires qui l’occupaient y aient accidentellement mis le feu en 1921.
La frise du bassin, symbole d’une mer idéale
Le projet, confié à l’architecte de la ville Emmanuel Le Ray, soulève pas mal d’oppositions. Les habitants ne comprennent pas tous l’intérêt d’un tel équipement et critiquent son coût, 2 millions de francs de l’époque, jugé exorbitant. D’autant que le décor apparaît beaucoup trop ostentatoire. La frise du bassin, réalisée par la famille de mosaïstes Odorico, avait justement pour but de rendre les Rennais « fiers de leur piscine et leur donner envie d’y aller ».
Si le décor est dessiné dans les grandes lignes par l’architecte, c’est le talent d’Isidore Odorico qui donne à sa réalisation un style et une gamme chromatique inimitable. La frise du bassin désormais immergée, le niveau de l’eau ayant monté, symbolisait une mer idéale, juste animée de petites vaguelettes colorées de vert, jaune et brun. Enfin, le matériau correspond parfaitement aux exigences hygiénistes : le grès cérame et les mosaïques se nettoient très bien à grandes eaux.
La source d’inspiration : la piscine de la Butte aux Cailles
Pour réaliser la piscine Saint-Georges, l’architecte s’est inspiré notamment de la piscine de Nancy (une référence construite en 1904), mais surtout de celle de la Butte aux Cailles à Paris. Pour la façade extérieure, confiée à l’entreprise Gentil & Bourdet, on retrouve une arche qui rappelle celle de la Grande Criée du Port de Marseille, encadrée de deux tours d’escaliers à chaque angle qui lui donne un style architectural classique contrastant avec les éléments Art déco.
Pour tous ces éléments, et surtout le fait que la piscine soit toujours en activité, tout comme les bains, la piscine Saint-Georges est un élément de patrimoine remarquable qui se visite dans le cadre des parcours Odorico proposés par l’Office de Tourisme.
Boite de nuit aquatique pendant les Bars en Trans
La piscine Saint-Georges n’est pas seulement un équipement sportif où les Rennais aiment venir faire des longueurs, c’est un lieu qui se métamorphose à l’occasion d’événement ou de festivals. Comme pendant les bars en trans’, le off des Trans Musicales, où le bijou Art Déco se mue en dancefloor aquatique. Des Dj’s installent leurs platines en haut du plongeoir, les nageurs troquent leurs bonnets de bains pour des bouées et des licornes gonflables pour vibrer au son des ondes électroniques. Un DJ set insolite qui transforme le lieu en discothèque humide.
Scène de théâtre ou salle de cinéma
Un écran géant pour le Festival Maintenant
En 2010, la piscine avait déjà changé de fonction en devenant le temps d’une projection d’une vidéo de l’artiste Herman Kolgen, une salle de cinéma étonnante dans le cadre du festival Maintenant organisé par Electroni(k). Un écran géant et des projecteurs avaient été installés au dessus du bassin pour permettre à 150 nageurs de voir le film dans d’étranges conditions. Encore une belle surprise pour les habituels usagers de la piscine…
Scène d’une création mondiale aquatique pour Philippe Découflé
En 2011, pour le festival Mettre en scène du TNB, Philippe Découflé, imagine un impromptu aquatique autour de la piscine Saint-Georges : “Swimming poules et flying coqs” avec Christophe Salengro, le président de Groland et sa troupe Octopus.
Une lune géante invitée par les Tombées de la Nuit
En juin 2017, c’est la lune géante de Luke Jerram, installée dans le cadre des Tombées de la Nuit 2017, qui a donné une nouvelle perspective à la piscine Saint-Georges. Les nageurs ont pu s’adonner à leur sport favori sous la lumière étrange d’une sculpture gonflable de 7 mètres de diamètre. Une installation artistique qui n’est pas passée inaperçue : la lune artificielle et éphémère de l’artiste britannique a valu à la piscine Saint-Georges de figurer dans le top 8 des piscines au design le plus fou. Un classement établi par le magazine américain Architectural Digest qui a donné un nouveau coup de projecteur à la piscine rennaise.
La sensation a été telle que les Tombées de la Nuit ont invité à nouveau l’artiste à installer sa lune géante au mois de janvier 2018. Quatre semaines de plus pour profiter de cette expérience poétique !
Avec ou sans lune, elle vaut le détour : et si pendant votre séjour dans la capitale bretonne vous preniez le temps d’aller plonger dans ce monument rennais ?
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