Publié le 03 décembre 2021 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 11 avril 2024
Il était une fois… la basilique Notre-Dame de Bonne-Nouvelle
L'église Saint-Aubin : miraculeuse, mais inachevée
Sur la place Sainte-Anne, la basilique Notre-Dame de Bonne-Nouvelle en impose par sa taille. Plus haute église sous voûtes de Bretagne, c’est un monument inachevé dont la construction s’est étalée sur près de 20 ans. Fragilisée par les travaux de la ligne b du métro, elle avait fermé ses portes en 2015. Les curieux et les fidèles peuvent à nouveau y entrer depuis décembre 2021. Retour sur son histoire mouvementée, ponctuée de miracles.
L’ancienne église était trop petite pour accueillir tous les pèlerins
Avec 28 mètres de hauteur… ses voûtes sont les plus hautes de Bretagne. Mais si l’église Saint-Aubin, consacrée basilique Notre-Dame de Bonne-Nouvelle en 1916, a les dimensions d’une cathédrale, elle reste inachevée. Même si les Rennais sont habitués à sa haute façade recouverte de vigne vierge et d’une reproduction du tableau miraculeux de la Vierge à l’enfant, l’église imaginée par l’architecte Jean-Baptiste Martenot devait être encore plus grande. Sa façade gothique avec ses deux flèches immenses n’ont jamais été érigées, faute de moyens pour achever ce chantier pharaonique dont l’idée a commencé à germer vers 1860.
A l’époque, le tableau miraculeux de la Vierge, datant du XVème siècle, qui plaçait les habitants sous la protection de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, attirait de nombreux pèlerins. Après avoir été longtemps au Couvent des Jacobins, ce tableau peint sur bois était désormais dans l’ancienne église Saint-Aubin. Face à l’afflux de visiteurs, les paroissiens décident alors de construire une église plus grande, à la fois église paroissiale et église de pèlerinage. Un projet voit le jour dans un contexte bien particulier…
Martenot imagine une nouvelle église aux dimensions de cathédrale
« A partir du milieu du XIXème siècle, on est dans un grand courant de reconstruction des églises en France » explique Philippe Bohuon, adjoint à l’animateur du patrimoine de l’Office de tourisme et spécialiste du patrimoine religieux de cette époque. « Entre 1850 et 1910 on n’a jamais construits autant d’églises en France. Près de 30% des édifices religieux d’Ille-et-Vilaine vont ainsi être reconstruits pendant ces décennies ».
Le projet d’une nouvelle église intéresse fortement l’architecte de la ville Jean-Baptiste Martenot. Fervent catholique, à qui on doit notamment les Halles de la Place des Lices, le Palais du Commerce et le lycée Emile Zola. Martenot est alors au sommet de sa carrière. Réaliser une église est pour lui d’un grand intérêt. Vers 1870, il se rapproche de la paroisse et implique la ville dans ce qu’il présente comme un projet d’embellissement du cœur de la capitale bretonne.
Et son projet est très ambitieux. « Il s’inspire de cathédrales comme celle de Chartres et d’Amiens, dans un style néo-gothique très en vogue à l’époque » raconte Philippe Bohuon. Pour accueillir ce nouvel édifice, Martenot revoit entièrement l’aménagement de la place. Des maisons sont rasées, vers l’Ouest, une nouvelle perspective est tracée pour ouvrir la vue en direction de l’église Saint-Melaine. L’ancienne église finira elle aussi par être détruite. Le projet prévoyait même d’ouvrir une autre perspective en direction de la Vilaine en rasant les maisons à pans-de-bois de la Place du Champ-Jacquet… qui l‘ont échappé belle. Les travaux de l’église ne commencent qu’en 1884, mais ils vont durer bien plus longtemps que prévu.
Un projet pharaonique dont le coût s’envole
Le coût du projet a en effet été largement sous-estimé. Et si la mairie prend en charge l’expropriation des habitants de la place, malgré les dons demandés aux fidèles sous forme de bons de Notre-Dame, la dimension pharaonique de l’église coûte cher, trop cher. « Les procès avec les entrepreneurs et les retards se multiplient pendant le chantier » raconte Philippe Bohuon. « Le sous-sol a même dû être consolidé en raison de la présence d’anciennes carrières. »
10 ans après la pose de la première pierre, la ville ne veut plus mettre d’argent dans le projet et Martenot démissionne. Nous sommes en 1894, le chantier s’arrête. Emmanuel Le Ray, nouvel architecte de la ville, prend le relais. Non sans mal car Martenot rechigne à lui laisser ses plans. Le Ray se rend vite compte qu’il est impossible d’achever le monument. Le chantier ne reprend qu’en 1900 avec comme idée de le terminer au plus vite, sans réaliser la façade et ses deux flèches. Cette histoire d’une construction inachevée se lit d’ailleurs dans la moitié de l’église, avec la partie Ouest très décorée, qui contraste avec la partie opposée, plus tardive et nettement moins ornementée. Un grand mur cloisonne la partie manquante ce qui donne à Saint-Aubin une silhouette si particulière. Elle est tout de même inaugurée en 1904, en pensant qu’on pourra la terminer un jour. Encore aujourd’hui les élèves de l’école d’architecture planchent régulièrement sur des projets destinés à finir l’édifice…
Ses décors intérieurs et ses vitraux valent le coup d’oeil
Au-delà de son histoire et de sa construction qui s’est étalée sur près de 20 ans, l’église Saint-Aubin reste un monument à part. Consacrée comme basilique en 1916, ses décors intérieurs sont assez riches, en particulier le retable qui abrite la Vierge à l’enfant. Ses vitraux, plus tardifs, valent aussi le coup d’œil. Réalisés en partie par la maison Rault, ils racontent des thèmes bibliques classiques (la vie d’Adam et Eve, la Vie de Marie…) mais aussi de nombreux épisodes de l’histoire rennaise et les demandes de protection face aux catastrophes : l’incendie de 1720, les guerres, les épidémies… Avec notamment un vitrail sur la Deuxième Guerre mondiale qui représente un char d’assaut écrasant le drapeau nazi (photo ci-dessous). La vie d’Anne de Bretagne et l’histoire régionale sont aussi évoquées à travers les nombreux vitraux.
Fermée en 2015, car fragilisée par les travaux de la ligne b du métro qui passe juste en-dessous de l’édifice, la basilique accueille à nouveau des fidèles depuis décembre 2021. Les visiteurs et les curieux on pu également (re)découvrir ce monument, grâces à des visites guidées organisées par l’Office de tourisme à l’occasion du centenaire de la naissance de Marcel Callo. Un personnage clé de la paroisse, né à Rennes, militant catholique béatifié par le pape Jean-Paul II en 1987. Une exposition lui est consacré dans la basilique. Elle est ouverte toute l’année.
Connue pour ses trésors miraculeux, la basilique reste donc un livre ouvert sur l’histoire de Rennes, un monument religieux incontournable de la capitale bretonne, à visiter lors de votre passage dans le centre historique.
Infos pratiques
- Horaires d’ouverture de l’église Saint-Aubin : de 10h à 18h du lundi au vendredi et de 9h30 à 19h30 le samedi et le dimanche.