Publié le 16 octobre 2024 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 20 novembre 2024
Yvan Chevalier
Le pâtissier-chocolatier rennais est une star au Japon
Enfant du Pays rennais, le pâtissier et chocolatier Yvan Chevalier est très attaché à Rennes et à la Bretagne. Distingué par le titre de Meilleur Ouvrier de France en 2019, il met à l’honneur dans ses gâteaux et ses chocolats les produits du terroir breton et partage aussi volontiers ses secrets de fabrication lors d’ateliers ouverts au grand public. Mais ce que les Rennais ignorent sans doute, c’est qu’il est devenu en quelques années une star du chocolat au Japon, grâce à des créations haut de gamme. Rencontre avec un orfèvre du chocolat…
Devenir pâtissier, c’était un rêve d’enfant ?
L’envie d’être pâtissier m’est venue en effet dès l’âge de 11 ans, en cuisinant avec ma maman. Mes grands-parents agriculteurs m’ont aussi donné l’amour du produit. Aujourd’hui, je fais des choix de matières premières qui viennent de cette éducation. Grâce à mes parents et à mes grands-parents, j’y suis de plus en plus sensible. J’ai appris le métier au lycée Louis Guilloux à Rennes. Grâce à deux professeurs Meilleurs Ouvriers de France, j’ai été guidé vers l’envie de bien faire. Après deux ans de BEP, j’avais envie de faire partie de la grande famille des MOF. Je suis alors parti pour me former chez Vincent Guerlais à Nantes, avec comme objectif de revenir à Rennes avec le titre de Meilleur Ouvrier de France.
Dès vos débuts vous aviez en tête ce titre de Meilleur Ouvrier de France ?
Oui j’avais une volonté bien arrêtée et cet objectif en tête. Après mes débuts en pâtisserie j’ai donc complété mon apprentissage. L’école c’était bien, mais je voulais devenir salarié et je me suis alors formé en chocolaterie. J’essayais d’apprendre plus vite que les autres, je restais l’après-midi pour m’entraîner. Un an après, le patron m’a proposé de prendre la responsabilité de la chocolaterie et après, tout s’est très vite enchaîné. L’esprit de compétition que j’aimais dans le sport, je le retrouvais dans la pâtisserie. J’ai donc participé à beaucoup de concours, je ne les ai pas tous remportés et c’est tant mieux car je pense qu’on apprend plus de nos échecs.
Pour se préparer à ce genre de concours il faut des années, un peu comme pour un marathon…
Exactement, c’est semblable à un sportif qui prépare les Jeux Olympiques. Avec au minimum deux ans de préparation en deux phases : les sélections et les finales. Chaque épreuve devant le jury dure 3 jours. Il faut s’y préparer bien à l’avance, y compris mentalement. Grâce à la sophrologie j’ai appris à me concentrer, à maîtriser mes émotions. On ne peut pas tricher à ce concours. Le Jour-J, le moindre hic peut vite faire perdre les pédales, il faut s’y préparer et c’est assez semblable au sport de haut niveau. Avec mon papa et mon frère j’ai d’ailleurs baigné dans cet esprit de compétition avec la course à pied, le cyclisme, passage obligé pour tout Breton. C’est un sport que j’apprécie beaucoup et qui m’a donné le goût de la compétition.
Les sportifs aussi aiment beaucoup le chocolat…
Oui, d’ailleurs on en plaisante souvent avec mon frère qui tient une salle de sport à Janzé, il fait perdre du poids aux gens et moi je les fais culpabiliser… (rires)
Après votre titre de Meilleur Ouvrier de France en 2019, votre autre rêve était d’ouvrir votre propre boutique à Rennes ?
Oui revenir à Rennes et créer une entreprise à mon nom, c’était mon deuxième objectif. Être son propre chef c’est quand même mieux. Surtout dans notre métier où on peut exprimer une sensibilité et s’épanouir en créant quelque chose. Après le titre de MOF, j’ai fait pas mal de démonstrations pour former des chefs d’entreprises et des pâtissiers à ma philosophie de la pâtisserie et du chocolat : comment utiliser les ingrédients et les produits…
Vous avez ouvert votre première boutique rue de Nemours, un choix qui n’est pas le fruit du hasard…
Oui en 2021 nous avons ouvert ici dans le quartier gourmand de Rennes, avec les Halles Centrales juste à côté, de super charcutiers, fromagers et chocolatiers comme voisins.
Parallèlement vous êtes devenu une star au Japon, comment est-ce arrivé ?
Un peu par hasard, en fait c’est le Japon qui m’a choisi. Si vous voulez vendre des produits au Japon, il faut toujours avoir un partenaire local. Quelque mois avant l’ouverture de la boutique à Rennes, une entreprise d’importation de produits français haut de gamme vers le Japon m’a contacté et m’a proposé de me rencontrer. C’était Junko et elle habitait à Rennes. Le monde est petit… Aujourd’hui elle est importatrice de nos produits là-bas. Au début je ne voyais pas l’engouement qu’il y avait pour nos chocolats, je m’en suis vraiment rendu compte quand j’y suis allé la première fois.
Maintenant je m’y rends plusieurs fois par an et c’est assez fou, la dernière fois c’était pour faire notre choux signature directement devant les clients. Le magasin ouvrait à 10h mais des clients étaient là dès 5h du matin, ils posent une journée de congés pour être les premiers car les quantités sont limitées. Jamais en France on ne verrait ça ! La mentalité est différente, les Japonais sont prêts à patienter, il y a un effet de rareté. J’ai cette chance que mon travail soit reconnu là-bas. C’est un beau pays et je suis honoré qu’ils apprécient nos produits.
Vous tenez à ce que tous les produits restent fabriqués à Rennes, pourquoi ce choix ?
On me demande souvent d’ouvrir une boutique à Paris, mais c’est hors de question. Si les gens veulent découvrir les produits, on les invite à venir à Rennes. Je suis sans doute un peu chauvin et têtu, comme tous les Bretons, mais je veux que les gens viennent aussi pour découvrir Rennes. Tout est donc fait à Rennes dans notre nouvelle boutique-atelier de la rue des Chevrons, près de la Route de Lorient. Pour le Japon ça représente près de 5 tonnes de chocolat qui sont vendues à l’occasion de la Saint-Valentin, la période où le chocolat est traditionnellement offert par les femmes à leurs époux.
Vous proposez aussi à Rennes des ateliers et des cours de pâtisserie car vous dites que « le vrai plaisir c’est le partage »…
Oui, depuis septembre 2024 nous proposons des ateliers d’initiation à la pâtisserie, c’est le meilleur moyen de créer un contact privilégié avec les clients. On passe 3 heures ensemble, ça leur permet de mieux me connaître et de voir comment je travaille. Et comme je n’ai pas de secret sur mes recettes, j’aime les transmettre et faire en sorte que des passionnés de cuisine passent un bon moment avec moi.
Ces ateliers sont aussi l’occasion de voir à quel point la pâtisserie est un travail de grande précision…
Les gens qui font de la pâtisserie chez eux le savent bien, nous on est encore plus jusqu’au-boutiste. La pâtisserie est en effet un travail de précision et il y a une raison : tout a une incidence sur le résultat final. Pour un macaron par exemple, un beurre mis trop froid ou trop chaud a des conséquences, c’est important d’expliquer aux gens ce qui peut faire rater une recette, j’aime transmettre ce savoir-faire. Avant les chefs avaient un classeur fermé pour garder leurs secrets et leurs recettes. Aujourd’hui, c’est l’inverse, on livre nos secrets. Une recette est faite pour vivre : on me l’a transmise, je la transmets à mon tour et chacun y met sa pâte.
À propos de recette, votre dessert signature s’appelle le « Breizh », est-ce que vous pouvez nous raconter comme il est né ?
Quand j’ai ouvert la boutique, je voulais mettre en avant les produits locaux. Lors d’un week-end avec mon père à Bain-de-Bretagne, il m’a fait rencontrer un producteur de sarrasin. Un produit qu’on connaît dans la galette, mais un peu moins dans la pâtisserie. Après quelques essais d’infusion du sarrasin, l’idée du Breizh est sortie : croustillant sarrasin, mousse infusé au sarrazin, caramel tendre beurre salé, mousseux caramel, graines de sarrasin toasté. Un gâteau qui est désormais un incontournable de notre carte.
Le sarrasin est un autre point commun entre la Bretagne et le Japon…
Oui et à chaque fois que je fais déguster un praliné de sarrasin, les Japonais sont surpris que le goût ne soit pas le même. Ils connaissent le sarrasin en bouillon infusé ou dans des pâtes, le soba, je suis content de leur montrer qu’un produit identique peut avoir un goût différent, selon la façon dont on le travaille. Il y a un lien très fort entre le Japon et la Bretagne, de nombreux chefs rennais ont des connexions là-bas. Et les Japonais ont de plus en plus envie de découvrir Rennes et la Bretagne, notamment à travers les produits locaux.
Les lieux préférés d’Yvan Chevalier à Rennes
- Une idée de sortie : « Je vais souvent aux matches du Stade Rennais au Roazhon Park, j’ai pris un abonnement et à chaque fois j’emmène deux personnes différentes de l’équipe, c’est un rituel que j’apprécie ».
- Ses adresses favorites : « Comme je suis gourmand, j’aime bien manger dans des restaurants différents à chaque fois, dans les restaurants de la rue nantaise avec cette ambiance « terroir ». J’apprécie aussi les établissements Racines, IMA et la charcuterie Maison Dumont avec qui je m’entends bien, on partage parfois des recettes et des techniques avec Virginie Giboire, Julien Lemarié et Milan Radanovic ».
- Une activité pour prendre l’air ? « J’aime l’hiver quand il ne fait pas très beau et que les gens n’ont pas forcément envie de sortir, je file courir au bord de la Vilaine, seul ou avec les équipes. L’automne et l’hiver sont mes saisons préférées, j’aime me promener dans les rues pavées en remontant vers Sainte-Anne ».
Les boutiques d’Yvan Chevalier à Rennes :
- La boutique, 9 rue de Nemours (à côté des Halles Centrales), 35000 Rennes. www.yvanchevalier.com
- L’atelier-boutique, 2 rue des Chevrons (ZI de la route de Lorient), 35000 Rennes. Portes ouvertes le dimanche 1er décembre 2024 pour comprendre les étapes de fabrication du chocolat et de la pâtisserie et présenter la collection de Noël et le nouveau laboratoire.