Publié le 11 mai 2016 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 22 septembre 2023
Il était une fois… la galette-saucisse
La spécialité rennaise par excellence
Un hot-dog armoricain, symbole de fête et de bonne humeur
Avant d’aller croquer dans cet en-cas, le préféré des Bretons et particulièrement des Rennais, il convient de maîtriser quelques fondamentaux. Ainsi, vous saurez que la galette de sarrasin, ou blé noir, doit être froide (ou juste tiède), et que la saucisse doit être de porc et grillée. Si ces deux critères ne sont pas respectés, il s’agit d’une contrefaçon ! Ensuite, point de fourchette ni couteau, une galette saucisse se mange à la main. Enfin, on peut y ajouter des oignons, parfois, en revanche ne réclamez jamais de sauce industrielle type moutarde, mayonnaise ou ketchup, c’est un sacrilège !
Cette tradition de Haute-Bretagne date de la fin du XIXème siècle et marie deux emblèmes gastronomiques brétiliens, le sarrasin et le cochon. Depuis, elle s’est répandue dans toute la région. Véritable hot dog à la bretonne, la galette saucisse a même une association de défense, la SGSB ou Sauvegarde de la Galette Saucisse Bretonne. Venir à Rennes sans y goûter c’est un peu comme aller à Paris et ignorer la Tour Eiffel !
Un plat festif depuis ses origines
La « Madeleine de Proust » des Rennais, c’est un peu ça la galette saucisse. Depuis ses origines elle est associée à des moments de fête. Pour Benjamin Keltz, journaliste et auteur du manuel officieux sur le sujet, («Galette Saucisse je t’aime !» paru aux Editions du Coin de la Rue), cette spécialité est sans doute née un dimanche ensoleillé de printemps pendant la période d’abattage des cochons dans les fermes du pays Gallo. « Difficile de donner une date précise… depuis le XVème siècle la galette est le pain quotidien des Bretons. Jusqu’au XIXème siècle, la viande était rare et on préférait la vendre plutôt que de la consommer. Sauf peut-être quand on tuait le cochon, on gardait à part les abats qu’on enroulait dans une galette ».
Au croisement de plusieurs traditions
Les abats ce sont justement les ingrédients d’un ancêtre de la galette saucisse, la casse, une spécialité de cochon et de pied de veau qu’on prend l’habitude d’étaler sur une galette. Mais la galette saucisse aurait aussi une filiation avec une autre spécialité d’abas de porc du nord de l’Ille-et-Vilaine, le Porchet.
Une bonne excuse pour faire la fête
Les premières mentions du terme galette-saucisse datent de la Belle Epoque. « Autour de 1900, les gens commencent à sortir en périphérie de la ville, notamment pour aller déguster des galettes-saucisses à Saint-Grégoire au lieu-dit La Robiquette, sur la route de Saint-Malo » raconte Benjamin Keltz. La Robiquette va d’ailleurs devenir le surnom de la galette-saucisse. Un passage obligé aussi pour les Malouins et les Rennais du Nord qui viennent au Stade rennais, les jours de matches. « On s’y arrêtait avant et après le match qui avait lieu le dimanche à 15h » précise le spécialiste de l’histoire de cette spécialité bien ancrée dans le patrimoine génétique rennais. « La galette saucisse était une bonne excuse pour faire la fête, c’est devenu un symbole de dimanche festif autour d’un plat convivial et traditionnel»
L’ancêtre breton de la street-food ?
« La galette-saucisse, c’est de la street-food avant l’heure. Facile à manger et pas cher » résume Benjamin Keltz. C’est sans doute ce qui explique son succès, encore aujourd’hui. Le mariage entre deux spécialités bretonnes, la galette salée et la saucisse de porc, est une belle histoire d’amour. L’histoire aussi d’un plat de campagne qui a peu à peu investi la ville. « Au fil du XXème siècle, la galette saucisse s’est démocratisée sur les marchés et surtout autour du Stade Rennais, un traditionnel lieu de fête dominical » explique Benjamin Keltz.
« Un plat de campagne devenu urbain »
Les commerces de galettes saucisses ont suivi, de la périphérie ils se sont peu à peu installés dans la ville pour satisfaire la demande grandissante. « Dans les années 50-60 avec l’arrivée de PSA Citroën, beaucoup de gens des campagnes viennent s’installer en ville. Ils amènent avec eux leurs habitudes de consommations. C’est finalement un plat de campagne devenu urbain » ajoute l’expert en galette-saucisse. « Rennes qui était une ville un peu bourgeoise s’est éprise de ce plat qu’on mange debout avec les doigts. C’était un peu transgressif, comme prendre un vélo pour se balader dans la verdure rennaise ».
Un symbole gourmand et intégrateur
Avec le temps, la spécialité rennaise a fait l’unanimité. Aujourd’hui, toutes les générations et les classes sociales se retrouvent devant les stands de galettes-saucisses. « Si au Roazhon Park on chante ‘galette-saucisse je t’aime’ ce n’est pas juste une marque d’amour pour un plat traditionnel… Cette spécialité est devenue l’étendard de la culture rennaise, l’incarnation d’une certaine fierté bretonne en version Gallo. C’est un vecteur d’identité, comme le palet ou le Stade Rennais » affirme Benjamin Keltz. « Les Toulousains ont leur cassoulet, les Alsaciens leur choucroute, nous on a notre galette-saucisse ».
Pour déguster la galette-saucisse, comme les Rennais…
« Pour les touristes, elle a l’air un peu rustique, sans parler de son aspect phallique » reconnaît l’auteur du manuel officieux de la galette saucisse. Mais attention à la faute de goût, les métaphores filées sur son look sont éculées, il vaut mieux se concentrer sur la qualité du produit. La recette est simple : une bonne galette de blé noir, une bonne saucisse nature, pas la peine d’en rajouter. Si certains tolèrent la moutarde comme condiment, la compotée d’oignons est nettement plus en phase avec la tradition. Quant à l’ajout de Ketchup ou de mayonnaise, Benjamin Keltz voit dans cette « surenchère de la sauce » une « McDoisation de la société, il en faut toujours plus pour que ce soit bon. Pour la galette-saucisse c’est le contraire ! ».
Voilà pour la recette. Côté adresse c’est évidemment sur les marchés de Rennes qu’on peut en trouver de très bonnes, mais aussi autour du Roazhon Park, Route de Lorient. Pour un tarif très peu salé, entre 2,50 et 3€. Au marché des Lices, mieux vaut anticiper la foule du samedi midi, quitte à se lever aux aurores . « La meilleure galette-saucisse ? Celle qu’on déguste le samedi à 5 heures du matin quand les noctambules croisent les lève-tôt sur le marché des Lices qui s’installe » conclut Benjamin Keltz. Mais si vous avez prévu une très grasse matinée, sachez que faire la queue devant le stand de galette saucisse sur le marché des Lices fait partie du rituel, on l’apprécie d’autant plus !