Publié le 12 mai 2021 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 11 octobre 2023
« Western » de Stéphane Lavoué aux Champs Libres
Road-trip d’un photographe-portraitiste en Bretagne
De l’Amazonie à la Bretagne, un parcours singulier
Le parcours photographique de Stéphane Lavoué n’est pas classique. Rien ne le prédestinait en effet à devenir portraitiste. Il commence sa carrière dans le négoce de bois en Amazonie. C’est là qu’il va avoir le déclic pour la photo en découvrant le travail de Sebastião Salgado. Un choc doublé d’une prise de conscience sur la fragilité de la nature qui l’oriente d’abord vers la photographie de paysage. Mais très vite, après une formation au Centre Iris pour la photographie de Mulhouse en 2001, c’est par son sens du portrait qu’il va se faire connaître et repérer par Libération. Un journal avec lequel il collabore pendant près de dix ans pour les portraits de la dernière page. L’une de ses photos les plus célèbres ? Le portrait de Vladimir Poutine, en 2008.
C’est à partir de ce moment qu’il va prendre une nouvelle orientation en utilisant un studio portatif, plutôt que la lumière naturelle. Au-delà de la technique, il se tourne aussi vers un travail beaucoup plus personnel, qu’il entame dans le Pays Bigouden, où il s’installe avec sa compagne bretonne, Catherine Le Gall.
Un art du portrait qui brouille les pistes
L’exposition Western, exposée aux Champs Libres de Rennes dans la salle Anita Conti, commence avec sa première série réalisée en Bretagne et intitulée les « mois noirs ». Ces mois d’hiver en Pays bigouden où la rudesse des éléments burinent autant les paysages que les visages. Pour preuve : ses portraits consacrés aux travailleurs de la mer, du côté du Guilvinec.
Après avoir tiré le portrait des puissants de ce monde, Stéphane Lavoué s’attache désormais à un territoire et à ses habitants. A la manière d’un peintre portraitiste de la période flamande, dont il reprend les codes, ses images sont déroutantes. Nos contemporains apparaissent tels des madones ou des chevaliers dans leurs habits de pêcheurs.
« C’est un brouilleur de pistes » résume Clémence Troussier médiatrice culturelle aux Champs Libres « Avec le titre de l’exposition et à travers certaines images, on se croirait parfois dans l’Ouest américain… Ses séries sont des roads-trips photographiques ancrés dans un territoire » ». Car si on est bien à l’Ouest, c’est de la matière de Bretagne que Stéphane Lavoué s’inspire. Pour la série L’équipage, portraits sonores, il installe son studio dans le bar du port de pêche de Penmarc’h, le Nautilus. Il y recueille des histoires sonores qui accompagnent les portraits des clients du bar. Dans une scénographie qui sublime la lumière de ses images, on plonge littéralement dans le regard et les histoires de ces Bretons du bout du monde.
Avec les enchanteurs, Stéphane Lavoué suit les traces de l’Ankou
Mais la série la plus fascinante est sans doute celle qui constitue la carte blanche donnée par les Champs Libres au photographe : Les enchanteurs. Une quête mystique de l’Ankou, personnification légendaire de la mort, popularisée par Anatole le Braz. La légende de la Mort guide les pas de Stéphane Lavoué dans les Monts d’Arrée à la rencontre de « passeurs » : druides, conteurs, chamanes, sorcières, sourciers, forgerons qui ont pour point commun d’entretenir un lien ésotérique avec la nature bretonne et ses éléments. Sur les hauteurs des landes finistériennes, les portraits et les paysages lèvent le coin du voile sur un monde parallèle, où créatures et humains ne font plus qu’un.
Pour prolonger l’exposition…
D’autres images de Stéphane Lavoué sont exposées dans le parcours permanent du Musée de Bretagne avec notamment la série Breizh food trip qui fait écho à la présentation de l’histoire agricole de la Bretagne, ainsi que des portraits grands formats d’enchanteurs qui illustrent l’histoire et les traditions de la région.
Le photographe a également invité un jeune confrère, Valentin Figuier, qui expose dans la coursive des Champs Libres. Une plongée de plusieurs années dans les coulisses du quotidien d’un surfeur breton. Des propositions, organisées dans le cadre de l’événement une traversée photographique en Bretagne, accessibles gratuitement comme l’ensemble des collections permanentes du Musée de Bretagne.
Informations pratiques
- Du 25 mai au 7 novembre 2021, dans la salle Anita Conti des Champs Libres, 10 cours des Alliés, 35000 Rennes (métro Charles de Gaulle). www.leschampslibres.fr
- Horaires : du mardi au vendredi, de 12h à 19h en période scolaire ; de 13h à 19h pendant les vacances d’été ; le samedi et le dimanche de 14h à 19h.
- Tarifs : 4€, le billet d’entrée donne droit également à l’entrée pour l’exposition temporaire du Musée de Bretagne Face au Mur (et inversement).
- Photo de Une : Musée de Bretagne – Alain Amet