Publié le 07 décembre 2018 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 27 novembre 2023
« Venir à Rennes pour les Rencontres Trans Musicales, c’est toujours génial »
Depuis 1982, Marc Ridet ne rate aucune édition des Rencontres Trans Musicales de Rennes
Ambassadeur des musiques actuelles suisses, Marc Ridet dirige la FCMA (Fondation romande pour la chanson et les musiques actuelles) et le Swiss Music Export. Fidèle aux Trans depuis la 4ème édition, il a tissé des liens avec Rennes et les Trans Musicales qui accueillent chaque année des groupes helvètes dans le cade des Focus Suisse. Une histoire d’amitié franco-suisse et de rencontres autour de la musique.
A quand remonte votre première venue à Rennes aux Trans Musicales ?
Je viens depuis la 4ème édition, en 1982, pendant laquelle Liliput un groupe suisse jouait à la salle de la Cité. Un groupe de filles de deep pop qui était vraiment en avance sur leur temps. A l’époque toute une nouvelle scène musicale émergeait en Suisse, dont Stephan Eicher faisait partie.
A Rennes aussi il se passait quelque chose avec des groupes comme Marquis de Sade, Etienne Daho, Aksak Maboul. Une dynamique autour des Trans Musicales avec des têtes chercheuses comme Jean-Louis Brossard et Hervé Bordier. C’est donc la musique qui nous a fait venir à Rennes et en plus, on a trouvé la ville jolie. On ne serait jamais venu à Rennes sans les Trans.
Depuis, le bouche-à-oreille a fonctionné, les Trans sont devenues une référence. Beaucoup de professionnels des grands festivals suisses comme Montreux ou le Paleo festival de Nyon viennent aux Trans. Il y a une programmation vraiment spéciale, un goût à part. C’est le seul festival qui fait autant de découvertes de nouveaux talents.
Quel est votre meilleur souvenir de concert aux Trans Musicales ?
Je me souviens en 2002, j’avais adoré 2 Many Djs au Liberté, un mélange des genres incroyable. Les Fishbone aussi, en 1987, c’était une sacrée baffe. Il y a tellement de souvenirs… Venir aux Trans, c’est toujours génial.
Depuis quelques années les Trans font un focus Suisse, d’où viennent les connexions entre Rennes et la Suisse ?
Les connexions ont commencé à l’époque où j’avais un club à Lausanne, la Dolce Vita, ouvert un peu avant l’Ubu. Avec Jean-Louis Brossard et Béatrice Macé, l’amitié a commencé autour des échanges entre nos deux scènes. On était encore peu nombreux à programmer des artistes différents, dans l’esprit des Trans d’aujourd’hui. On s’appelait pour échanger des groupes, comme les Fishbones que les Trans avaient découverts et qu’on a invités à Lausanne. Ce qui est marrant c’est que les Trans nous recommandait plutôt des groupes de rock, alors que nous leur envoyait des DJs, en raison de notre proximité avec l’Allemagne où la culture électronique était déjà très présente. Ce sont des amitiés qui se sont créées au fil du temps et qui ne sont jamais démenties. C’est la musique qui nous a fédérés.
Rennes a toujours eu une réputation de ville rock, aujourd’hui tous les styles sont représentés aux Trans…
Tout se mélange en effet. Dans la musique, les étiquettes sont dangereuses, les groupes de rock ont désormais des influences électroniques, le rap et l’electro se croisent aussi, le jazz revient à la mode… Les jeunes reviennent également aux sources de la musique avec une coloration vintage. Grâce à Internet, ils peuvent revoir les concerts de Jefferson Airplane ou de Joy Division et sont capables d’intégrer ces influences à leur musique. C’est ce qui fait que la musique évolue. On voit même des musiciens classiques qui vont vers des univers pop, en intégrant des sons electros. Les musiques actuelles n’ont pas de frontières, on redécouvre la modernité des sons africains, venus d’Ethiopie, du Mali, d’Afrique du Sud, qu’on ne range plus dans la catégorie world music. Aux Trans Musicales justement, il n’y a pas cette catégorisation, on plonge dans une « sono mondiale ». Cette année par exemple, on peut voir Muthoni Drummer Queen, un groupe avec une chanteuse Kenyane dans une production suisse. C’est le bon côté du « clash culture ».
Quel regard portez-vous sur la scène musicale locale ?
La Bretagne en général, et Rennes en particulier, sont un foyer très fort pour la musique. La région compte beaucoup de festivals, les gens viennent de partout. La culture musicale bretonne créé un terreau favorable à l’éclosion de nouveaux groupes. La musique pop d’aujourd’hui est ancrée dans ces traditions, le rap et l’electro, c’est aussi de la musique pop’.
La scène musicale suisse est aussi très dynamique ?
Oui, en Suisse aussi il y a une scène incroyable depuis une dizaine d’années. C’est un phénomène de génération spontanée qui émerge car il y a énormément de clubs en Suisse. Les jeunes voyagent beaucoup, ils ont une facilité de vie et la musique naît naturellement dans un tel contexte. Des groupes suisses comme les Young Gods ou Yello ont eux aussi ouvert la voie, les jeunes d’aujourd’hui se disent : « on peut le faire ». En 2017, aux Trans, Zeal & Ardor ont particulièrement marqué les esprits avec leur mélange de métal et de gospel, ils tournent depuis dans le monde entier. En 2018 les gens ont aussi été très réceptifs à Cyril Cyril.
Avant vous traversiez la France en voiture pour venir aux Trans Musicales, c’était un peu l’aventure, aujourd’hui c’est plus confortable avec la nouvelle ligne Rennes-Genève ?
Oui, on faisait toujours une halte à Paris pour dormir chez les copains, maintenant avec la ligne Rennes-Genève c’est beaucoup plus simple. Je suis venu avec EasyJet c’est incroyable, en 1h30 on est à Rennes. Je suis parti à 11h de chez moi, à 15h j’étais à l’hôtel, c’est la première fois que je n’arrive pas fatigué aux Trans ! En plus, depuis Rennes, on peut facilement aller faire un tour à Saint-Malo, ou au Mont Saint-Michel, grâce aux transports publics, la mer n’est vraiment pas loin.
Justement, au-delà de l’accessibilité, qu’est-ce que vous appréciez à Rennes quand vous venez ?
Rennes est d’abord une super belle ville, on y mange bien, la vieille ville est agréable, ça ne me gênerait pas d’y habiter. Mais surtout, les gens sont super sympas. En Bretagne, ce n’est pas comme à Paris, on est bien accueillis. Pour nous les Suisses, c’est vraiment agréable et je pense que ce qui nous relie, en plus de la musique, c’est le sens de l’accueil, la sympathie des habitants dans la rue. L’humilité est sans doute une valeur commune entre les Suisses et les Bretons, qui fait que ça fonctionne bien entre les deux communautés. La Bretagne est très différente de la Suisse, mais il y a une vraie connexion humaine.