Publié le 01 février 2016, mis à jour le 18 décembre 2023
Le style Bouroullec
Ronan & Erwan Bouroullec à Rennes
Une question de savoir frère. De leur formation à leur façon d’envisager le métier de designer, tout oppose Ronan & Erwan Bouroullec. Mais si les points de départ divergent, l’étoile aînée et l’éternel cadet se retrouvent dans un style inimitable applaudi à l’unanimité.
La volonté d’embellir le monde
« Ploum », quand votre cœur fait « Ploum », c’est que vous avez craqué pour le célèbre canapé Bouroullec. À la source du style Bouroullec, il y a des différences de point de vue se rejoignant au milieu du salon, dans les lieux de vie, aux quatre coins du globe : frères de sang, Ronan et Erwan sont aussi des frères de sens, animés par une farouche volonté d’embellir le monde. Une mission d’autant plus noble que « nous sommes aujourd’hui entourés d’objets discutables, moches ou mal pensés », nous éclaire Ronan, bien aidé par le révolutionnaire luminaire Aim.
La Bretagne de l’univers celte à l’universel
Même s’ils puisent leur inspiration dans la fourmilière cosmopolite de Belleville, à Paris, les Frères Bouroullec n’ont jamais oublié leurs origines bretonnes. Retour aux sources. Les esprits de clocher vont être déçus : les frères Bouroullec n’ont jamais dessiné d’armoires armoricaines. Le cliché est trop massif, eux sont plutôt dans la souplesse, la modularité, et, surtout, l’universalité. Pourtant, difficile de ne pas reconnaître dans certains luminaires Bouroullec l’esquisse d’une lampe de bateau ; et tout bonnement impossible de ne pas avoir un pincement au cœur, en apercevant ce casier à homards, flottant à la surface de la mémoire armoricaine. La série Algue achève idéalement de brosser le tableau de bord de mer, et le Lit clos… le débat.
Si la Bretagne est loin, elle est donc bien là, non pas comme un dogme breton sur ton, mais comme une matière première, une couleur primaire : « J’entretiens une relation très forte avec ma région, confirme Ronan. La Bretagne me manque, je l’aime autant que je déteste l’idée de régionalisme. » Afin de rester le plus loin possible des images d’Épinal, les frères Bouroullec ont toujours refusé les propositions d’exposition en Bretagne, donnant encore plus de retentissement à l’événement programmé à Rennes à partir de la fin mars.
« La Bretagne est un trésor d’une fragilité extrême, il faut la préserver et aussi l’inventer. » (1390s)
Leur design rebondit de l’intérieur à l’extérieur
Plutôt que de jour et de nuit ou de feu et de glace, on parlera de ying et de yang : de deux frères rapprochés par leurs différences, et une infinité de savoirs faire. D’un grand écart permanent entre l’obsession de justesse formelle et la soif de liberté d’usage. Contextuel et affranchi des échelles, leur design rebondit volontiers de l’intérieur à l’extérieur, de l’objet à l’espace, de l’industrie à l’artisanat, de la vidéo à la photographie, sans oublier bien sûr, le dessin.
Parfaitement alignés sur les étagères de leurs ateliers de Belleville : des dizaines de cahiers de croquis, soient des milliers de motifs tracés à la main, nous rappellent l’origine du monde des Bouroullec : « Le dessin est pour nous fondamental, soit comme aide à la réflexion, soit comme échappatoire. Il peut en effet s’écouler plusieurs années entre la réalisation d’un croquis et son arrivée dans la vitrine d’un magasin.
Une approche simple et directe
Respectent-ils une aristocratie des objets ? « Chez nous, une simple poignée de porte ou un lustre monumental pour un château ont la même valeur. Le design nous offre une constellation merveilleuse de supports que nous abordons avec passion. » Et Ronan de continuer : « Le style ? Le but est justement de ne pas en avoir. Si l’on parle de style, c’est qu’il n’y a pas de prise de risque, ou d’innovation. »
En insistant un peu, nous obtenons malgré tout quelques adjectifs caractérisant l’ADN Bouroullec : « légèreté », « tension », « recherche de peu », « simplicité ». Nous ajouterons « sensualité », « souplesse », et tant d’autres épithètes collant parfaitement à la peau de nos esthètes chercheurs. « J’entends souvent que notre travail est minimaliste, ce n’est pas le cas. Je dirais plutôt que notre approche est simple et directe. » « Poser un tapis dans une pièce vide, cela revient à allumer un feu », conclut Erwan. La passion n’est donc pas prête de s’éteindre.