Publié le 11 décembre 2018 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 31 janvier 2024
« Vilaine, une histoire d’eaux »
10 légendes et anecdotes autour de la Vilaine
Dans le cadre de l’année de la Vilaine, l’Ecomusée du pays de Rennes propose jusqu’au 1er septembre 2019, une grande exposition autour de la rivière qui traverse la capitale de la Bretagne. « Vilaine, une histoire d’eaux » remonte le cours du fleuve, du XVIème siècle à nos jours, pour en révéler tous les secrets. Une invitation à explorer la Vilaine dans tous les sens…
1. L’origine de son nom n’est pas vilaine
La Vilaine est belle, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser. Si l’origine étymologique de son nom reste encore mystérieuse, il existe de multiples hypothèses qui racontent toutes des histoires différentes. La source serait elle bretonne ? Dérivée de Ar ster vilen « la rivière aux moulins », ou de Ar ster velen « la rivière jaune ». Ou une origine latine ? Le cartulaire de Redon du IXème siècle l’appelle Visnonia, « rivière aux eaux de rouille » qui aurait donné au Moyen Age la version francisée de Visnaine avant de devenir « Vilaine » ? L’exposition évoque aussi un lien avec la déesse gauloise Visegnognia, ou Vicinonia selon les histoires de Grégoire de Tours, la première trace écrite qui évoque la rivière au VIème siècle. Une déesse dont le culte serait associé aux eaux vives… L’eau comme source de vie, identifiée à une divinité, voilà qui donne une autre image de la Vilaine.
- Exposition à l’Ecomusée du Pays de Rennes (ferme de la Bintinais) du 1er décembre 2018 au 1er septembre 2019
2. La Vilaine est un fleuve, pas une rivière
La Vilaine est bel et bien un fleuve, et pas une rivière, puisqu’elle se jette dans l’océan Atlantique, après La-Roche-Bernard, entre Pénestin et Muzillac, dans le Morbihan, après avoir serpenté pendant 224 kilomètres à travers les pays de Vitré, Rennes et Redon. Un fleuve breton, le 10ème de France, par sa longueur, qui prend sa source en Mayenne du côté des collines de Juvigné.
3. Il pleut très peu sur son bassin versant
Les clichés sur le climat breton ont la vie dure. Mais dans le pays de Rennes, entre Châteaubourg et Saint-Senoux, il ne pleut pas beaucoup sur le bassin versant de la Vilaine. Avec 684 mm de pluie chaque année, le bassin rennais est même deux fois moins arrosé qu’une ville comme Biarritz, et pas tellement plus pluvieux que Paris. La capitale de la Bretagne ne reçoit pas assez de précipitations en tout cas pour alimenter les besoins en eaux des habitants. « Chaque goutte de pluie qui tombe sur le bassin versant finit en Vilaine » explique Pauline Guyard, la commissaire de l’exposition de l’Ecomusée. Mais le fleuve est capricieux et son débit reste faible, c’est pourquoi les élites locales ont plaidé pour son aménagement dès le XVIème siècle.
4. L’un des premiers fleuves aménagé en France
En 1538, quelques années seulement après le rattachement de la Bretagne à la France, les bourgeois rennais demandent au Roi de France, François Ier d’aménager la Vilaine pour faciliter le commerce. La Vilaine est en effet capricieuse, l’alternance de crues et de sécheresses y rendent la navigation complexe. Pour aller dans le sens des élites locales, un magnifique atlas est réalisé. C’est d’ailleurs l’une des pièces maitresses de l’exposition Vilaine : le manuscrit de Vilaine, une série de 23 peintures du fleuve en vue aérienne, réhaussées d’or et d’argent.
Le manuscrit de Vilaine, un document exceptionnel
Le manuscrit original est exposé dans le cadre de l’exposition “Rennes, les vies d’une ville” au Musée de Bretagne, et une version animée est présentée à l’Ecomusée. Destiné à convaincre de lever des fonds pour l’opération d’aménagement, ce manuscrit est une formidable source d’informations sur les paysages de l’époque. L’aménagement de la Vilaine constitue un projet d’une ampleur jamais vue en France, une épopée humaine et technique qui verra notamment l’installation des premières écluses à sas en France dès 1585. La Vilaine sera l’un des rares cours d’eau à être aménagé aussi tôt avec de nombreuses innovations techniques, jusqu’à la Révolution qui stoppera brutalement le projet.
5. Rennes ne serait pas la même sans la Vilaine
Condate, le nom antique de Rennes signifie « confluence », la présence de l’eau détermine en effet l’implantation des villes : à la fois moyen de transport, axe commercial, source de vie, le fleuve irrigue l’économie urbaine. Toute une économie de l’eau se développe grâce à la Vilaine, à commencer par les communautés religieuses, très présentes à Rennes et qui se nourrissent de beaucoup de poissons. Comme sur tous les fleuves, la Vilaine est bordée par les moulins, pêcheries et lavoirs… Il a même existé un bateau-lavoir dans le quartier Saint-Hélier jusqu’en 1957.
La pierre de construction transitait par bateau depuis Bruz et Pont-Réan
Autre activité importante au XIXème siècle, les tanneries ont fait la richesse de la ville, mais il en reste peu de choses. Rennes s’est construite grâce à la Vilaine qui a permis de transporter d’importantes quantités de matériaux de construction, du bois mais surtout la pierre extraite à Bruz et à Pont-Réan, le fameux schiste rouge emblématique de la région. Le transport de la pierre a constitué pendant longtemps l’essentiel du trafic fluvial de la Vilaine. Dans les années 1950, pour la reconstruction, c’est le sable qui servira de matériau principal pour les immeubles en béton. Du sable qui transite lui aussi par bateau. Des carrières qui ont donné les nombreux étangs qu’on connaît aujourd’hui à partir d’Apigné, des paysages où la nature a repris ses droits mais qui sont en fait le résultat des activités humaines…
6. Sur la Vilaine, on croisait de drôles d’embarcations
Pour transporter les matériaux, les bateliers disposaient d’embarcation spécifique qui ont toutes disparu mais dont les maquettes sont visibles à l’exposition de l’Ecomusée. Avec d’abord les cahotiers qui faisaient la navette pour embarquer la pierre du côté du Boël, sur le site du Cahot. Des sortes de barges optimisées pour faciliter le déchargement de rochers. Des bateaux plus originaux circulent dans la deuxième moitié du XIX ème siècle : les Pénettes de Vilaine, parfaitement adaptées au cours étroit du fleuve, leurs deux demi-coques peuvent être désolidarisées pour faire demi-tour. Elle servaient elle aussi au transport du bois et de la pierre sur de petites distances et leur nom aurait une origine grivoise, en rapport avec le terme « pénis ».
7. La Vilaine est aujourd’hui un réservoir de biodiversité
La Vilaine, même aménagée, reste un espace naturel, un réservoir de biodiversité, en particulier dans les anciennes gravières qui forment aujourd’hui tout un réseau de zones humides préservées de l’urbanisation. On y trouve toutes sortes d’oiseaux migrateurs et sédentaires, des rapaces, des insectes, des salamandres tachetées, des grenouilles rousses… L’île de Champcors par exemple abrite une colonie de hérons cendrés, des faucons, des hiboux ainsi que de grands cormorans qui apprécient le calme des lieux. Pour les ornithologues amateurs et les amoureux de la nature, c’est un lieu de promenade idéal, à quelques minutes seulement de la ville.
8. Les profs de médecine ont démocratisé les loisirs nautiques
A partir de la fin du XIXème siècle l’élite rennaise se prend de passion pour les loisirs nautiques et le yachting fluvial. Ce sont plus particulièrement les profs de la fac de médecine qui cherchent à démocratiser les loisirs autour du fleuve, sans doute par vertu hygiéniste. Ils organisent des régates et mêmes des fêtes de nuit pendant lesquelles la Vilaine se transforme en « lagune de feu ». Les loisirs sur le fleuve rencontrent vite un grand succès surtout grâce à l’arrivée du chemin de fer et du train des pêcheurs qui emmènent les Rennais faire des escapades du côté de la Courbe de Bourg-des-Comptes. Guinguettes, location de barques et courses d’avirons animent les dimanches de l’époque. Une tradition qui perdure aujourd’hui sous d’autres formes avec notamment du paddle, du kayak, du canoë et les traversées festives et poétiques de la Vallée de la Vilaine.
9. Un bain de Vilaine, ça ne fait pas de mal
Une croyance populaire très ancienne attribue des vertus magiques aux eaux de la Vilaine. Les jeunes filles au physique disgracieux, « les Vilaines », se transformeraient en jolies princesses après un bon bain dans les eaux du fleuve breton. Si la croyance est bien ancrée, l’explication du nom du fleuve paraît plus qu’improbable. Quoi qu’il en soit, on s’est toujours baigné dans la Vilaine, et la légende avait sans doute aussi un autre objectif : donner envie de s’y jeter malgré la couleur des eaux, plus proche de la couleur de la boue que de celle d’un lagon tropical… cela n’empêche pas les jeunes de s’y baigner encore aujourd’hui. Même si les eaux d’aujourd’hui sont de meilleure qualité qu’au début du XXème siècle et que des plages sont aménagées (celles d’Apigné par exemple), les locaux préfèrent encore filer vers la côte à Saint-Malo pour faire trempette. Un projet de plage urbaine est cependant dans les tuyaux du côté de Baud-Chardonnet. A partir de l’été 2019, vous pourrez vous prélasser sur des plages engazonnées, faire la fête dans des guinguettes et pourquoi pas s’y baigner ?
10. En 2018-2019, on célèbre l’année de la Vilaine
Se reconnecter avec le fleuve et la nature, expérimenter des traversées poétiques, rencontrer les producteurs installés au bord du fleuve… De juillet 2018 à juillet 2019 on célèbre à Rennes l’année de la Vilaine. Des événements pour voir la ville autrement et parcourir le halage et les communes situées dans la vallée de la Vilaine. De nombreux aménagements et événements sont organisés toute cette année et l’exposition de l’Ecomusée du Pays de Rennes en est l’un des temps forts. Une première escale à faire avant d’aller voir de plus près ce fleuve, pas vilain du tout.
Voir le programme de l’année de la Vilaine